Au contraire d’un bon Nightwish des familles dont l’on devine facilement le contenu au préalable, la régularité d’une certaine qualité ne dissimulant hélas plus depuis longtemps les errances d’un Tuomas ayant atteint ses limites stylistiques depuis 2004 avec Once et poussé à fond les ballons les curseurs du genre auquel il s’adonne en 2011 avec Imaginaerum, chez Within Temptation ils innovent constamment. Pas dans la musique en générale, et cela vaut pour le prisme par lequel doit être vu cette critique, mais dans la façon dont ils expriment leur propre identité. Ou ce qu’il reste de leur identité... Je vais m’expliquer, mais cela va sembler contradictoire sur un certain point.
Aucun album du groupe ne ressemble à son prédécesseur, depuis le gothique à tendance un peu Doom avec Enter jusqu’à la Power Pop de Unforgiving sans omettre le court crochet vers le Metal symphonique de Mother Earth genre dont on les affuble toujours et qu’ils ont pourtant perdu après… Mother Earth ! De mon point de vue le pic qualitatif de leur carrière ; j’entends bien que c’est parfaitement subjectif et tout à fait personnel, c’est pour vous situer. L’on avait là l’équilibre parfait entre la voix, les guitares et l’aspect symphonique.
Une balance que perdra l’excessivement moyen Silent Force (que j’ai tendance à oublier c’est dire) qui contenait nombre de morceaux oubliables noyant ses rares réussites, mais déjà plus symphonique que Metal, les guitaristes relégués aux rôle de figurants ; il font pourtant du bon travail… Sauf qu’on ne les entends pas tellement, bref.
Heart Of Everything (qui m’a fait les découvrir) se fera plus robuste et avec lui néanmoins Within Temptation entrait dans une ère dont il ne sont plus vraiment sortis bien qu’ils aient persévéré dans leurs expérimentations sur cette base, soit celle d’une Pop Metal relativement gentillette mais encore convaincante, incluant un reste de bons riffs éparpillés de ci, de là, quelques sursauts un peu plus bourrins à l’exceptionnelle occasion, et des textes il faut le reconnaître pas toujours très gais, l’album demeurant assez sombre cependant qu’il entamait une trajectoire musicale plus « commerciale » qui trouvera son apogée grâce à l’excellent The Unforgiving. Plus « joyeux » en apparence, ce dernier se verra doté d’une grosse poignée de morceaux enthousiasmant sachant capter l’attention avec savoir-faire, et se révélera être la quintessence du Within Temptation moderne. Offrant une musique accessible mais ciselée, dynamique et bien foutue...
Et si je parlais d’apogée, c’est bien que la suite sera en-déca...
Hydra n’est pas un mauvais album et ne contient aucun mauvais morceau à proprement parlé, mais ça commençait à sentir l’opportunisme à plein nez cette histoire. Avec des featuring à ras-la-gueule et un assemblage de titres hétéroclites sans aucun liant.
Individuellement, chaque piste proposait quelque chose et diversifiait l’écoute de l’auditeur. En soi l’idée était bonne, mais l’on avait vraiment l’impression sale d’un gloubi-boulga mal maîtrisé de tout ce qu’avait pu tenter le groupe jusqu’à Unforgiving ; outre le riff introductif de Let Us Burn qui augurait un truc carré, puis Tell Me Why sur la fin m’ayant atteint comme une gifle, c’était sans surprise, bien trop facile (j’aime bien X-Zibit donc fatalement ils m’ont eu) voir parfois d’un goût douteux avec un recul suffisant. Comme malhonnête... Néanmoins bon, dans l’absolu cela se laissait écouter. Ce qui n’est pas le cas de Resist, alors ultime méfait du groupe en son temps.
Et je dis bien méfait car il ne s'agit pas d'autre chose désolé. Vous en pensez ce que vous voulez hein (chacun son délire et ses appréciations) mais c’était nul, et bien nul. Quelques morceaux en début de course (The Reckoning, Endless War ou le très bon Raise Your Banner) donnaient l’espoir illusoire qu’on aurait affaire à une tentative dans la continuité de Hydra au pire, mais bien pire ce fût, en effet.
Je n’ai rien contre l’électronique personnellement, il faut le savoir. D’ailleurs c’est même un genre que j’affectionne avec tendresse selon la mouvance dans laquelle il se situe. Mais là, rien ne fonctionnait, c’était parfois hideux, vraiment. Et même en l’occultant, ça ne proposait rien d’intéressant. Quand j’écris ces lignes je me souviens de Raise Your Banner et Trophy Hunter. C’est tout ! Le premier parce qu’il est l’unique exemple réussi au sein de l’album d’un morceau qui mélange les genres avec justesse : cela fonctionne et si tout avait été de cet acabit vous ne m’auriez pas entendu gueuler en fait.
Le second pour son riff principal assez lourd… qui ne tiendra pas ses promesses. Un peu comme Let Us Burn, qui au lieu de brûler après l'étincelle de départ, finalement faisait "plouf".
Le seul et unique mérite de Resist, comparativement à Hydra, c'est qu'il ne bouffe pas à tous les râteliers. Non, il a une ligne directrice et s’y tient. C’est respectable, quoique mauvais. Dommage, saluons l’essai. Et l’on en vient donc au Within Temptation nouveau, l’objet principale de cette critique plus rétrospective que je l’avais imaginé en entamant sa rédaction. Désolé pour cela, lecteur.
Pas de faux suspens, si tu a regardé la fiche tu n’as pas pu manquer le « coup de coeur » accompagnant ma note. Aussi tu anticipes que l’ignominie Resist n’a donc probablement pas été réitéré… Et tu aurais tort ! Tu te souviens que je parlais de contradiction au commencement de cette critique ? On y arrive. Parce que vois-tu, Bleed Out ressemble un peu à Resist tout en me faisant pourtant énormément penser à... du Within Temptation ! La tu rigole narquoisement mais laisse moi éclaircir le fond de ma pensée.
Perpétuellement à la recherche de nouveaux sons, le groupe s’est essayé à plusieurs trajectoires au risque, parfois, de se perdre. Within Temptation continuait de faire de la musique, oui, mais s’égarait au point d’y abandonner ce qui pouvait le définir. Pour peu qu’il soit définissable, et c’est justement la-dessus que réussit Bleed Out pourtant toujours un peu électronique, la ou Resist à échoué…
Resist existe aujourd’hui ! Pas que ça m’enchante mais il faut faire avec. Il « définit » donc une certaine facette de Within Temptation. Et comme Hydra, Bleed Out puise partiellement dans cette influence du passé. Ainsi que dans Heart Of Everything pour la noirceur des textes et son ambiance, puis Unforgiving à la fois dans la structure des morceaux et les vocalises de Sharon Den Adel. C’est la référence principale de Bleed Out selon moi. Nous avons affaire à du Unforgiving sous amphétamines avec un soupçon de Resist et un zeste de Heart Of Everything.
Sauf que la ou Hydra se perdait sans objectif clair et Resist se plantait dans les grandes largeurs avec son electro chelou mal branlé, celui de Bleed Out est parfaitement intégré aux morceaux, harmonieux au sein d’un album qui s’il emprunte effectivement à ses prédécesseurs, trouve sa propre voie dans la parfaite synthèse et continuité de ce qu’est Within Temptation ! Ce qui fait sa « grandeur » au sein de la scène Pop Metal. En y incorporant son truc bien à lui sachant faire la différence, ici du Post Metal, soit un son épais, parfois étonnamment violent voire oppressant par moments (Cyanide Love) enrobant des textes hargneux, militants, aux invectives assassines et sur des sujets sensibles très sérieux. Avec des riffs puissants, des ponts massifs d’une sauvagerie rafraîchissante, une rythmique lourde… Et ce tout du long, sans temps morts, sans répit !
Il y a bien de courtes accalmies au sein même des morceaux, annonciateurs de l’orage qui s’ensuit systématiquement, mais dans sa globalité l’album ne faiblit à aucun moment. Il n’y a pas une seule ballade, ça passe comme une tempête ne souffrant d’aucune éclaircie, envoyant décharge sur décharge. Comme si l’on était face au riff de Trophy Hunter… Mais tout. le. temps ! Ou Tell Me Why en continu... Vous rendez-vous compte ? Le groupe n’avait plus été si fondamentalement Heavy depuis… Diantre, depuis Enter !
Et Enter ça a vingt-cinq piges quand même…
Mais la ou j’entends combien cet album est un vrai bon album de Within Temptation, c’est que pour la première fois depuis très, très longtemps, je peux écouter les instrumentaux sans m’ennuyer. Car souvent le groupe palliait la faiblesse relative de ses compositions (certes entraînantes et efficaces mais répétitives) en balançant par dessus la voix de Sharon, le tout se complétant très bien.
Ici, non seulement chaque partie d’un titre donné renouvelle constamment l’intérêt de l’auditeur avec du relief et des variations, mais en plus Sharon fait du tort à l’album! Enfin du tort… Elle chante bien et s‘essaie même à de nouvelles choses le temps de deux pistes, mais sa voix prend une place tellement considérable sur le mixage que les guitares et l'aspect "symphonique" (riche) en sont étouffées au point de rendre certains riffs de Bleed Out presque inaudibles à moins d’être attentif. Ou d’écouter les instrumentaux ; je n’ai d’ailleurs perçu la basse (très bonne en plus) et les claviers en certains endroits que via cette méthode !
Alors voilà, on est pas sur de la symphonie des grands jours entendons-nous bien, ni même sur du Metal symphonique tout court d’ailleurs. Mais c’est Metal, aucun doute là-dessus, et clairement la meilleure offrande du groupe depuis Unforgiving. En cela que rien n’est à jeter, qu’il y a une ambiance soutenue tout du long sans virage abrupte, que les morceaux sont courts, directs, en plus d’être habiles et tout en nuances.
Je ne m’attendais plus à rien, et au mieux que ça tourne en rond gentiment… J’ai douté à tort et me suis trompé.
Rien ne ronronne dans Bleed Out, tout y est bon et ses rares défauts n’entachent aucunement sa réussite.
Within Temptation a toujours été dans la course, n’a jamais cessé de créer, de produire, mais reprend une tenue de route enfin correct.