En 1991, naissait "Blue Lines", premier album jamais répertorié de dance-music pour l'âme... Une musique soyeuse et hypnotique, intelligente et sensuelle, trop rapidement étiquetée par les marchands : "trip hop", son de Bristol, etc. Que nous importait pourtant ? Ondulations de plaisir et suaves pulsations... mais comme dans un cocon de tristesse engourdie... Les clichés magnifiques de la Soul éternelle se voyaient ici samplés et régurgités par trois petits futés qui n'oubliaient pas, pourtant, du fond des discothèques enfumées, que la pluie tombe sans cesse sur la Grande-Bretagne du chômage et de l'exclusion.
En 1991, les Américains partaient une fois encore, et ce ne serait pas la dernière, en guerre, pour le Pétrole bien sûr. L'attaque fut massive, et nos nouveaux héros ne purent que mutiler temporairement leur nom (de Massive Attack en Massive) pour ne pas symboliser, même en passant, la moindre réalité guerrière. L'engagement futur du groupe commençait là, alors que nous pensions encore, innocents que nous étions, que cette musique visait à l'introspection et à la stase.
En 1991, sublimée par les voix miraculeuses d'Horace Andy, de Shara Nelson, de Tony Bryan, la musique de Massive Attack déroulait pour la première fois ses lignes bleues autour du monde. Nous étions bien loin d'être protégés du Mal, nous étions prisonniers de la Grande Roue, nous avions absolument besoin de sympathie, même inachevée : ce disque fondateur, essentiel, nous devint rapidement vital.
A la date où j'écris ces lignes, il l'est toujours.
[Critique écrite en 1991 et complétée en 2017]