Pour leur premier album studio après une pause de onze ans, les Rolling Stones ne prennent aucun risque et se contentent d’enregistrer douze reprises de blues, soit précisément ce qu’ils savent faire le mieux. Blue & Lonesome n’est donc pas spécialement ambitieux mais est pourtant plus sympathique que pouvait l’être son prédécesseur A Bigger Bang : le groupe y est moins énergique mais l’album ressemble bien à ce qu’on pourrait attendre de lui. L’ADN des Stones y est même si présent que, en oubliant la voix un peu usée et trop hâbleuse de Mick Jagger, le disque pourrait côtoyer ceux de la grande période des années 60-70, tout du moins en tant qu’œuvre mineure. On n’est ainsi pas si loin de l’esprit des deux premiers albums du groupe, avec moins de charme mais plus de maîtrise. Les instrumentations sont particulièrement réussies, avec notamment une utilisation remarquable de l’harmonica. Qui plus est, l’album sait rester court et évite la lassitude qui finit souvent par s’installer chez les grand artistes des décennies passées tentés de profiter de l’espace supplémentaire disponible sur le format CD pour ajouter des titres dispensables.
Blue & Lonesome est donc une œuvre réussie et étonnamment humble, qui permet à la version vieillie des Rolling Stones d’apparaître sous son meilleur jour et de rendre hommage à ses racines tout en prodiguant quelques chansons parfaitement réjouissantes (la délicieuse « Just Your Fool » en introduction, les langoureuses « All Of Your Love » et « Blue And Lonesome », la délicate « Little Rain »…). « I Can’t Quit You Baby », qui clôt l’album, rappelle néanmoins de façon un peu cruelle que ce groupe qui était d’un niveau comparable à celui de Led Zeppelin lors du passage des années 60 aux années 70 – c’est-à-dire au plus haut niveau – a quand même perdu de sa superbe depuis cette époque : la version des Stones (accompagnés d’Eric Clapton) est sympathique mais paraît dérisoire par rapport à celle proposée par Jimmy Page et ses comparses en 1969.