Botibol a un nom de médicament. Ou de bonbon. Il n’en est rien : Botibol est un artiste bordelais et son premier album ressemble à une friandise douce-amère qui met en joie et un remède efficace contre toutes les mauvaises musiques. Un grand songwriter est né.
Renseignement pris, le nom Botibol vient d'une nouvelle de Roald Dahl. Derrière le pseudo, se cache donc le seul Vincent Bestaven car Botibol est bien le projet d'un solitaire touche à tout aussi à l'aise avec une guitare, un piano, un sampler, une batterie ou un glockenspiel. Et Born from a Shore a d'abord été le fruit un travail intimiste et secret avant de se révéler (on l'espère) au plus grand nombre et d'entrer enfin dans la lumière.
L'univers de notre Bordelais part du personnel, d'une simplicité d'écriture de songwriter. Il reste dans Born from a Shore des témoins presque intacts de cette genèse musicale : l'album préserve des moments dépouillés, beaux en soi dans leur vérité. Il faut dire que Botibol fait beaucoup avec peu, se servant magnifiquement de sa voix toute en nuances, parfait véhicule pour faire ressentir des émotions. Prenez Dancers, deux minutes au compteur et une folk acoustique désarmante de simplicité. Quelques arpèges de guitares rajoutés et mis en boucle et des choeurs placés juste où il faut et le morceau s'en retrouve totalement transcendé. Sur 3 AM, c'est la voix de fausset de Vincent, totalement aérienne qui rend profondément touchant un titre folk qui aurait pu être un peu fruste. Idem pour Filling a Hole, titre éminemment blues et terrien dont les divagations vocales de Bestaven le font passer dans une autre dimension. Par moments, Botibol rappelle Jeff Buckley et Born from a shore semble , touché par (la) Grace. De la grâce, encore de la grâce donc mais pas de graisse. Et cela même quand on sait que le Bordelais, aidé en cela par le producteur Pascal Mondaz, a décidé de rajouter plus d'éléments dans sa musique : comme un piano et des choeurs célestes adoucissant les contours rugueux de, Breakwathers, tout en lui faisant prendre de l'ampleur. Dans l'écriture, l'interprétation très pure et sereine de Bestaven et cette batterie qui dégringole, le morceau rappellera Red House Painters, ce qui est toujours en soi un compliment. Autre moment de choix : Through the Mountains prend des allures d'épopée humaine et poignante, le genre de chanson fervente qu'auraient pu entonner les pionniers avançant dans , l'Ouest sauvage à travers une nature grandiose et sauvage : le morceau est un peu l'équivalent musical aux westerns d'Anthony Mann.
Dans Born from a Shore, Botibol tire souvent sa musique du côté d'une pop plus enjouée, d'aucuns diront cristallines avec ce glockenspiel et ses carillons qui tintent lumineusement. Sous les mains magiques de Vincent, Friends devient un moment irrésistible : une mélodie charmeuse aux pouvoirs de séduction ravageurs, doublée d'une profondeur de ton, pour ce qui se fait de mieux dans le genre aux côtés de Sufjan Stevens, Bright Eyes et de feu Jeff Buckley. Oui, le morceau est de ce niveau. Jo Cowboy et Arudy allient la fragilité d'un toy piano et des choeurs aériens à une rythmique appuyée et des accords électriques : Botibol se joue de ce paradoxe dans un formidable geste brillant qui fait les grands artistes.
Chapeau bas pour un disque qui fait entrer son auteur , illico presto dans la cour des grands.