Fin-92, un pote de collège essaye de me brancher sur Cure, sans succès dans un premier temps, car le concert prévu à Amnéville est tout simplement annulé (Simon Gallup est malade), donc ce sera sur cassette que je les découvrirai - et elle s'appelle "Boys don't cry".
Pour rappel, du début des années 1960 aux début des années 1980, le marché anglais distingue les sorties de singles et d'albums, un règle d'or existe: Même s'ils sont enregistrés durant les mêmes sessions, les singles sortis après l'album n'y figurent pas; alors que de l'autre côté de l'Atlantique les 45 tours, faces A & B, sont considérés comme des produits d'appels de l'album, donc extraits de celui-ci. Ce qui explique que pour les premiers Beatles, on retrouve deux discographies totalement différentes. Concernant Cure, cela n'arrivera qu'une fois (ou presque: Les deuxième et troisième disques sortiront sous forme de double-album fin-81).
Bref, revenons à cet album, qui est donc la version US du premier album "Three Imaginary Boys". Il sortira Outre-Atlantique en février 1980, donc uniquement dispo en import ici, puis sera pressé courant 1983 pour le marché français.
On y retrouvera l'essentiel du premier disque, augmenté des trois premières faces-A, à savoir "Killing an Arab", "Boys don't Cry" et "Jumping someone else's Train", la face-B "Plastic Passion", ainsi que l'inédite "World War", a noter que "Object" sera remplacée plus tard sur la version CD par "So What". Si l'aspect "va dans tous les sens" de l'album original est encore plus renforcé, ce n'est pourtant pas au détriment de sa qualité, au contraire, on y gagne paradoxalement en cohésion.
Ici, on commence par le futur hit "Boys don't Cry", assez beatlessien, qui entraine d'emblée l'auditeur dans un morceau efficace et "upbeat", "Plastic Passion", chanson-slogan (tout comme "Grinding Halt") confirme la bonne tenure, puis on passe à l'excellent et désespéré "10:15", morceau d'ouverture du premier album, suivi du lancinant "Accuracy", du punky "Object", du morceau anti-mode au riff surf "Jumping Someone Else's Train", enfin comme sur le LP original, l'harmonica de "Subway song" vient clôturer la première face par une scène de crime. La deuxième face repart de plus belle avec "Killing an Arab", morceau type aux gammes arabisantes et inspirée par l'Etranger de Camus, on reste de ce côté de la Méditerranée avec l'excellent "Fire in Cairo", puis "Another Day" marque une pause contemplative, "Grinding Halt" remet un dernier coup de speed, "World War" est un morceau à la fois inédit et inhabituel dans l'histoire du groupe: Il s'agit d'une protest-song anti-guerre. Enfin, comme sur l'album original on finit sur l'iconique "Three imaginary Boys".
Cet album ne m'a pas rendu fan de Cure de suite, mais plutôt fan de cet album. Je pense qu'il peut potentiellement plaire d'avantage aux punks, mods, surfers, fans de pop ou de garage plus qu'aux Curistes purs et durs. Les critiques de l'époque voyaient d'ailleurs le groupe d'une façon bien éloignée de l'idée que s'en faisait son leader, la suite le démontrera.
PS: Question d'uchronie à la con: Et si "Boys don't cry" (le morceau) avait été à sa sortie le hit mondial qu'il était devenu sept ans plus tard?