Il est difficile à l'heure des interwebs et de l'autoroute de l'information de faire la différence entre un artiste capricieux et un véritable mystère. Si il est courant de voir des musiciens disparaître pendant deux-trois ans à cause d'un certain maniérisme et d'une certaine volonté d'entretenir une hype précaire chez le lecteur moyen de Pitchfork (tousse Frank Ocean tousse), Jai Paul est en effet peut être l'un des derniers grands mythes musicaux de notre époque. Qui d'autre peut en effet se targuer d'être considéré comme un des artistes les plus talentueux de sa génération en n'ayant sorti en tout et pour tout que deux morceaux (plus une version édité et une compilation reniée mais tout de même acclamée par la critique), dont le dernier remonte à 2012?
Ce qui est fascinant avec Jai Paul, c'est qu'en choisissant de disparaître à l'heure où il est possible de connaître les habitudes alimentaires du bassiste d'un groupe de post-punk slovaque via les réseaux sociaux, c'est que ses deux morceaux sont devenus des objets de cultes, disséquées jusqu'à la moelle. On trouve par exemple sur Genius une lecture homérique des 3 misérables couplets de BTSTU, comparant le parcours du protagoniste à celui d'Ulysse.
Et il est vrai que musicalement parlant, Jai Paul mérite bien toute cette attention. Si il fallait le situer quelque part, il serait peut être quelque part entre Prince et J Dilla, avec une bonne louche d'électro. Les deux morceaux officiels sortis à ce jours (Jasmine et donc BTSTU) sont de véritables bijoux de subtilité (le mixage putaaaaain) malgré leur grande accessibilité, capable d'amasser des millions d'écoutes sur spotify et d'être samplés par Drake et Beyoncé tout en étant acclamés par la presse spécialisée. Dans une culture où le mystère est bien souvent synonyme d'anonymat, Jai Paul est une exception, un diamant brut cultivé dans le silence.