Critique initialement publiée sur House Of Wolves.fr (http://houseofwolves.fr/musique/chronique-blink-182-california/)
Septième album de la formation pop-punk la plus célèbre au monde, California marque inévitablement une nouvelle ère pour le trio, qui se voit amputé de la personnalité (écrasante ?) de son guitariste/chanteur Tom DeLonge, trop occupé à enquêter sur les OVNI et vendre des trucs sur sa page Facebook (à ce stade, soit le mec est fou, soit un génie). Le bassiste/chanteur Mark Hoppus et le batteur Travis Barker se sont alors tournés vers Matt Skiba, leader du groupe punk-rock aux accents goth Alkaline Trio, ami de longue date et grand fan de Blink-182. On ajoute même que la ressemblance physique entre Matt et Tom était troublante dans leurs jeunes années (preuve). Autant dire que le gars avait la gueule de l’emploi, et bien plus.
Le plus gros changement sur ce nouvel album vient donc du jeu de guitare de Matt, qui ne se force pas du tout à faire du Tom DeLonge, mais qui affirme sa propre personnalité, et qui s’intègre parfaitement à ce nouveau Blink-182, à la fois très moderne et très classique ! California se veut un vent de fraicheur, un petit retour en arrière vers des années plus insouciantes après deux albums plus sombres (les “na na na” sur “Sober), tout en restant très progressiste (“Los Angeles” est son refrain explosif signé Skiba fait penser à la power-pop de Sugarcult, on est presque plus dans du rock alternatif pêchu que du pop-punk).
Mark Hoppus reprend les rennes du chant (il faut dire que Tom ne lui laissait plus trop de place) et nous pond parmi les meilleures mélodies de sa carrière, nous surprenant à chaque couplet, chaque refrain. Le ton est donné dès l’intro, “Cynical”, court morceau d’une minute cinquante-six dont le seul défaut est d’être trop court : intro mélancolique avant un couplet punk parfait chanté par Mark, et Matt qui chante d’une voix rocailleuse (comme Mark pouvait le faire à l’époque sur “Dammit” !), à la limite des cris, “Not sorry, not sorry, I’m not sorry now.” L’un des meilleurs morceaux jamais composé par le groupe. Les deux chanteurs ont d’ailleurs trouvé une excellente complémentarité, et contrairement au passé, il n’y a pas un seul titre qui n’est pas chanté par les deux.
Le premier single “Bored To Death” témoignait déjà d’une envie de revenir aux bases, avec une intro empruntée à “Feeling This”, une guitare inspirée de celle d'”Adam’s Song”, et un refrain contrastant puissant. Les choeurs en “oh oh” font même beaucoup penser au travail de Tom dans Angels and Airwaves. Le producteur, John Feldmann, qui a clairement fait en sorte que ce nouvel album soit le disque que les fans voulaient entendre, dit clairement pour ce morceau : “Faisons tout ce qui peut me faire penser à du Blink classique : les riffs de guitare, la batterie un peu hip-hop de Travis, le refrain en deux temps de “Stay Together For The Kids.” Mission accomplie.
Pourtant le groupe est loin de se reposer sur ses acquis, et Matt est loin de vouloir ressortir les riffs de Tom (mis à part le court délire “Brohemian Rhapsody” qui vole la guitare de “Dumpweed”, dans ce que l’on imagine plus comme un hommage/clin d’oeil à Tom), et si quelques mélodies renvoient indubitablement au passé (l’intro de “She’s Out Of her Mind” fait penser à “Going Away To College”), ce n’est que pour mieux nous surprendre ensuite, notamment sur “Left Alone”, le titre le plus Skiba de l’album, avec un refrain qui tend vers le rock alternatif/emo. De quoi apprécier également les capacités vocales de Matt, plus fort et juste que Tom. La bande innove également avec le titre acoustique “Home Is Such A Lonely Place”, que Mark a écrit pour son fils, et que Skiba améliore grandement de par son intervention plus musclée. A aucun moment on ne pense à du +44, comme cela a pu être reproché (injustement – +44 n’est que la continuité du Blink du S/T) par le passé, et il n’y a guère que “No Future” où l’on peut penser à Alkaline Trio par le phrasé de Matt. Mention spéciale aux gang vocals du morceau, les premiers d’ailleurs pour le groupe.
Les fans auront assurément leur dose de punk-rock, avec des réussites comme “Rabbit Hole”, “Kings Of The Weekend” ou “The Only Thing That Matters” (l’un des titres les plus rapides), avec une batterie toujours aussi excellente, même si Travis a cette foins moins de moments à lui pour briller (pas de solos ou interludes). Les textes se veulent un peu plus légers que leurs dernières sorties, malgré quelques touches de mélancolie, notamment sur “San Diego”, qui parle en partie de Tom et où Mark nous donne envie de pleurer : “Late at night I call your name, abandoned love songs smashed across the hardwood floors, I read the sadness on your face”, avant que Matt ne relâche la tension par un refrain plus enjoué mais pas moins goth : “What if I dream of going back to San Diego, we bought a one way ticket, so we can go see the Cure, and listen to our favorite songs in the parking lot, and think of every person I ever lost in San Diego“.
On terminera avec “California”, chanson mid-tempo qui monte crescendo, véritable hommage à leur état de Californie et qui aura donné son nom à l’album.
California aurait assurément pu sortir juste après Enema Of The State, avec qui il partage une certaine fraicheur juvénile, ou même Take Off Your Pants And Jacket, puisqu’il fait penser à la direction que le groupe aurait pu prendre à la place du S/T. Pour autant, cette nouvelle identité de Blink-182, qui nous aura convaincu à 100%, n’hésite pas à innover, en explorant de nouvelles pistes (rock, acoustique) ou en nuançant par exemple ses morceaux de nombreuses touches de piano. A se montrer mature (aussi) dans les thèmes abordés. Un très bon disque – assurément l’album pop-punk de l’année voire l’album de l’année tout court – qui tient la comparaison avec leurs meilleurs, et un groupe revigoré, pour notre plus grand plaisir. On ironisera même en disant que Tom DeLonge et Angels and Airwaves n’ont pas sorti d’aussi bonnes chansons que depuis que Matt a pris sa place… comme quoi, l’esprit de revanche.