Un cri et ses échos

Après la parenthèse très folk et country de Sunny Side Up qui signe le virage Atlantic Records et lui décolle de la peau l'étiquette de chanteur à minettes, le petit prince de la soul nous revient avec toute la fraicheur qui le caractérise. Caustic Love ouvre une nouvelle page tournée vers la pop-soul empreinte de funk et de blues. Paolo Nutini prend à son compte le rayonnement de la soul britannique, à la manière d'une feue Amy Winehouse en y amenant une touche nettement plus masculine et provinciale.

Le premier single 'Scream', très funk, met en valeur la voix de Paolo
Nutini. Elle est toujours aussi suave et profonde dans les graves et
puissante et éraillée dans les aiguës. La présence des cuivres qui
lui vont si bien au timbre est la seconde bonne nouvelle qui tient
surement à la présence du producteur Dani Castelar. Le premier titre
laisse place à un très bon 'Let Me Down Easy' aux saveurs
jamaïquaines très intéressantes. Le titre navigue dans les îles et
donne à cette ouverture d'album un éclat estival indéniable. 'One
Day' pose les bases pour la suite. Un fond soul à l'aide d'une basse
ronde, de cordes et d'orgues sur une forme pop avec une batterie plus
rock et des guitares électriques. Le blues est toujours présent au
travers de titres tels que 'Numpty" ou 'Better man', une jolie balade
accompagnée de guitares et d'orgues, qui rappelleront l'univers de
son album précédent tout en étant plus électrique.

'Iron Sky', deuxième titre phare, propose de la nouveauté dans le
répertoire de l'artiste. La pop-soul consciente et noire
caractéristique de l'album surgit : une basse toujours aussi
présente, un piano grave et posé, des envolées de guitares, des
cuivres percutants... Ce titre est une merveille de composition et de
production. Il définit à lui seul tout le travail réalisé sur cet
album. Le style soul prend de l'ampleur avec 'Diana'. La neo soul
transpire de ce titre doux et sexy à la sauce très américaine.
Etonnamment, c'est aussi sur ce titre que la voix du chanteur est la
moins convaincante. La faute à ce qui ressemble à un abus d'effets.

Back to basics pour son duo avec Janelle Monae sur 'Fashion', mélange
électrique de pop, de funk et de Rap. C'est à ce point de Caustic
Love qu'on s'aperçoit que l'oeuvre de Paolo Nutini parait aussi
urbaine que Sunny Side Up paraissait folk et country. La basse aux
accents funky et la batterie rock constituent la colonne vertébrale
de l'album. 'Looking for Something' ne déroge pas à la règle après
une ouverture soul/funk seventies.

La clôture de l'album se fait sur deux titres. 'Cherry Blossom' signe
le retour de la voix à pleine puissance sur un fond très rock aux
basses et guitares saturées déjà rencontrées sur 'Iron Sky'. La
couleur de certaines d'entre elles, jouées en harmonie, font penser
au jeu de The Edge de U2. Enfin, 'Someone Like You', court épilogue,
laisse toute la place à la voix douce et suave de Paolo Nutini.

Une carte postale stylisée

Caustic Love est un album dans la continuité de Sunny Side Up, à l'image des cours interludes qui viennent ponctuer certains titres. Néanmoins, il s'oppose aussi à ce deuxième album dans l'approche résolument pop et électrique de la musique. C'est une oeuvre plus difficile à cerner tant la soul est littéralement triturée dans ses extrêmes. On y retrouve un Paolo Nutini plus actuel, plus attendu et moins surprenant que sur Sunny Side Up. Pour Caustic Love, l'artiste perd en sensibilité ce qu'il gagne en énergie. Et c'est bien cela qui caractérise ce troisième opus, l'énergie, qu'elle soit positive ('Scream', 'Let Me Down Easy') ou négative ('Iron Sky', 'Diana'). Les morceaux s'apparentent à des cris de joie, des cris d'alarme ou des cris de souffrance. En cela, Caustic Love est un cri qui perdure et trouve ses échos au fil des titres.