Justin Bieber a bouleversé la perception du public en 2015 avec la sortie de son quatrième album studio, Purpose. Le top-chart canadien a finalement échappé à son passé d'enfant star et a transcendé son image d'adolescent. Il était toujours traqué par une légion de fangirls, mais sa nouvelle musique était agréablement adulte et résolument sexy. "Sorry" était parfaitement synchronisé pour capturer la vague dancehall que Drake avait montée en haut des charts et, alors que l'album avait ses hauts et ses bas, Bieber était tombé sur son album le plus fort à ce jour précisément au bon moment culturel pop.
Le battage médiatique s'est rapidement détaché de la réalité. “Where Are U Now” et “What Do You Mean?” s'est avéré être, une grande réussite de Purpose.
«Love Yourself» reste, à ce jour, une ligne fabuleuse à la recherche d'une chanson vraiment géniale, mais les critiques importent peu. La musique de Justin Bieber était en rotation dans tous les bons clubs, les critiques adoucissaient leur position alors que sa musique commençait à apparaître sur toutes les listes de fin d'année les plus prestigieuses et que le monde embrassait provisoirement Bieber en tant que légitime pop star de cette génération.
Cela peut sembler étrange pour une critique d'album mais l'influence principale sur Changes est sans aucun doute Hailey Beiber et, plus spécifiquement, le nouvel état de bonheur conjugal de Justin. Avant qu'une seule seconde de nouvelle musique ne soit sortie, Bieber se moquait gentiment de son statut de meme «femme mec», mais Changes porte cette charmante affection à un extrême absurde.
Son dernier album est moins une lettre d'amour et plus un acte d'adulation et d'exultation à sa propre dépendance romantique.
La musique pop a une relation complexe avec l'amour chaleureux et inconditionnel. Le R&B sentimental sans vergogne traditionnel a toujours réussi à tirer ce truc (en grande partie grâce à des performances vocales incroyablement brillantes), mais les popstars ont souvent eu du mal. La ligne entre démonstrations vulgaires de l'intimité et réflexions discrètes sur une vie partagée est dangereusement mince.
Bieber fait le second choix et le réussi.
"Yummy", c'est le single bubblegum nécessaire par tous les moyens pour jeter son os sur sa maison de disques. Il serait dommage de s'arrêter uniquement sur ce titre.
En effet, en écoutant Changes, vous vous demandez si le Justin derrière cela veut vraiment avoir autant de succès que Bieber. Le genre d'auteurs-compositeurs et de producteurs de renom dont les efforts ont envoyé Purpose vers le succès multi-platine - BloodPop, Ed Sheeran, Benny Blanco - se remarque par leur absence. Cela se ressent et tant mieux, nous n'avions pas besoin d'un deuxième Purpose.
Changes est un album dans l'air du temps, un album de soirées printanières, un album qui glisse agréablement car il n'a pas de prétention de marquer son empreinte avec des gros sabots comme aime faire 90% des stars de la pop U.S.
Et c'est ce qui va être compliqué à comprendre pour le grand public. Le passif de JB impose au monde entier la critique gratuite, souvent illégitime, et vouloir sortir un projet qui finalement serait bien mieux reçu s'il avait été signé Jeremih ou Wale est risqué. Car oui, la Pop Star a sorti un album Mumble Rap/Trap/Rn'B teinté de Pop.
Quand vous écoutez Changes, vous obtenez donc une bouffée occasionnelle de mumble rap dans la prestation vocale de Forever, avec comme invité Post Malone, et un soupçon de R & B grind sur Take It Out On Me, mais ses sons principaux sont des ballades trap électronique et des ballades acoustiques. Il n'est pas entièrement dépourvu de crochets - le refrain de Running Over colle rapidement - et il n'est pas non plus mal fait: le maillage dense des synthés sur Second Emotion est convenablement grisant, la guitare chargée d'effets sur At Least For Now a une intrigante teinte psychédélique. Et Bieber chante tout cela de manière assez belle.
On croirait entendre un jeune adulte mais ce n'est pas seulement le passage à l'âge adulte d'un homme facile à détester. (Bieber a apparemment écouté Khalid et pris des notes.) C'est aussi l'émergence d'un tout nouveau Bieber, un homme de 25 ans, marié et heureux, qui a tout à perdre à sortir un album pareille et qui s'en branle peut-être puisqu'il est amoureux le bougre.
Alors oui, nous ne plongeons par dans les profondeurs de l'écriture et c'est sûrement ce qu'il manque sur Changes (Sauf peut-être sur Get Me Ft Khelani) mais J. Bieber mérite qu'on réfléchisse à 2 fois avant d'insulter ces choix artistiques.
Il manque aussi un peu d'euphorie, un titre ou deux qui tapent, des bangers quoi. Quelques niaiseries qui parlent de cul, Thugger aurait été le bienvenue pour ça.
Bieber a appris à respecter le pouvoir de l'amour, même s'il semble trop sérieux et respectueux parfois.
C'est un retour timide, plutôt que flamboyant, un retour modeste plutôt qu'hautain.
Et même si ces qualité ne sont plus à la mode en 2020 où l'intime n'existe plus et où la course aux streams impose souvent la vulgarité des sentiments, je pense qu'il est temps de respecter Justin Bieber comme il se doit.
7/10