Un homme qui cite parmi ses influences, Françoise Hardy, Serge Gainsbourg, Les Cocteau Twins, ou encore Miles Davis est un homme de goût, tout simplement. Et s'il décide de parler d'amour et autres histoires cochonnes en musique, on a naturellement envie de l'écouter.
Cet homme, c'est Greg Gonzalez, d'El Paso, au Texas et le groupe qu'il a formé en 2008 (En fait, il a commencé en solo jusqu'en 2009, date à laquelle Phillip Tubbs l'a rejoint, puis Randall Miller et Jacob Tomsky en 2012 quand ils ont emménagé à New-York) se nomme CIGARETTES AFTER SEX, un des meilleurs noms de groupe de tous les temps, y a pas débat.
Sans aucun soutient de quelconque label, le succès de Gonzalez et de son groupe s'est développé grâce à Internet, alors que leur pop cinématographique brumeuse et immersive était diffusée à l'infini sur YouTube, SoundCloud et tous les services de streaming imaginables. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que leur popularité a augmenté grâce à une approche mesurée.
Depuis la création du groupe en 2008, ils n'avaient sorti qu'un seul EP en 2012 "I" et une poignée de singles. (En fait, il a existé plus de matière musicale émanant du groupe mais il se dit que Greg l'a supprimé pour je n'sais quelle raison)
Puis, en juin 2017, leur premier album éponyme a finalement été dévoilé au monde.
Comme c'est la marque de fabrique du quatuor, Cigarettes After Sex est une longue et scintillante aventure. Calme, magnifique et souvent époustouflant, l'album est quelque chose à voir, à ressentir. Le LP est rempli d'histoires d'amour fortes et émotionnelles ainsi que de beaux souvenirs de chagrin, de désespoir et de colère.
L'ouverture "K.", est le point culminant de l'album. L'orchestration austère est sublime, donnant à la chanson l'intimité d'une chambre à coucher et fournissant la toile parfaite à l'histoire sur la fin de la relation d'un couple parfait. La chanson est comme un long et beau baiser de bonne nuit que vous ne voulez jamais terminer.
L'émouvante "Apocalypse", elle aussi, adopte une chaleur similaire. L'instrumentation est sobre et à la limite de l'éthérée, remplit l'air d'une ambiance romantique et luxuriante. La chanson est remplie de remords et de désespoir, car elle raconte, ici aussi, l'histoire d'un couple déchiré. “You’ve been wanting you forever and you just can’t say goodbye”, chante Gonzalez avec passion.
Cigarettes After Sex se dirige vers un film noir avec "Each Time You Fall In Love" . Une obscurité persiste tout au long de la chanson, donnant à l'approche luxuriante du groupe une ambiance sombre et même grave. La voix de Gonzalez, cependant, reste invitante, et elle nous amène à côté de lui alors que nous suivons la spirale descendante de l'homme qui est tombé amoureux d'une femme qu'il ne peut pas avoir.
Il y a aussi le séduisant "Sweet". Mais contrairement à ses compagnons, là c'est une ballade adressée à l'amour de Gonzalez. “Knowing that I love you, running my fingers through your hair, isn’t it so sweet?”, Chante-t-il de sa voix douce.
Le mélancolique "Flash" offre un sursis momentané à cet l'album centré sur l'amour. C'est aussi le numéro le plus sombre et le plus effrayant de l'album. Alors que la guitare dissonante résonne en arrière-plan, la voix de Gonzalez devient encore plus douce et plus délicate, alors qu'il révèle les secrets et les démons qui hantent une jeune femme. “You have to do the right thing”, répète-t-il comme s'il était la conscience du protagoniste.
Le dernier titre de l'album, "Young & Dumb", adopte un ton similaire. Cette fois, cependant, Gonzalez assume le rôle d'une personne qui a été trompée. “You’re the patron saint of sucking cock”, dit-il à voix haute sur cette chanson qui est essentiellement un assassinat en règle d'une personne qui ne suit que ses propres intérêts. Et malgré le ton plus agressif, Cigarettes After Sex est toujours capable de rendre la chanson éblouissante.
Mais ce sont des chansons comme "Opera House" qui ont contribué à l'essor du groupe. Pensif, complexe et personnel, la chanson est un voyage solitaire dans ses émotions. Le léger bourdonnement de la guitare dissonante, les rythmes déterminés et les légères pressions sur les touches créent une atmosphère langoureuse pour la voix de Gonzalez. “I was meant to love you. I knew I loved you at first sight”, chante-t-il dans un murmure. Ces lignes peuvent être adressées à quelqu'un du passé de Gonzalez, mais pour beaucoup d'entre nous, ces mots peuvent représenter de vraies moments de vie.
Sur leur 1er album, le Quatuor de Brooklyn utilise l'espace d'une très belle manière : Il laisse des temps entre les instruments, ajoute des respirations dans leur son. Les guitares - quand elles arrivent finalement - sonnent, mais exactement de la même manière sur les 10 pistes. Les drums sont sans cymbale, légèrement grumeleux, mais jamais assomants.
Gonzalez est le créateur d'atmosphère clé, avec des paroles évoquant des images, des subtilités d'un nouvel amour - baisers, regards, sextos - à des paysages apocalyptiques, des cœurs s'écrasant dans l'océan, des incendies émotionnels.
L'ensemble fonctionne tellement bien que l'album s'envole, se sentant comme une seule chanson, ou un EP plus long. Toutes les influences manifestement audibles deviennent sans importance, laissant Cigarettes After Sex avec un son qui lui est propre, créé avec des outils rares et un effort apparemment minimal.
Voici un album totalement hypnotisant, de la Dream Pop magnétique et envoûtante aux accents d'intemporalité évidente.
Ne passez pas à côté...
8/10