La générosité de Manu Chao est une chose admirable, qui fait chaud au cœur, et son engagement, aussi bien à l'époque de la Mano Negra que lors de sa carrière solo éminemment populaire, en faveur des déshérités du monde entier, extrêmement louable. Ses chansons, à la fois festives et mélancoliques, célébrant une globalisation joyeuse de la culture et de l'âme, restent une manière imparable de se rassurer quant à un avenir qui paraît de plus en plus noir. "Clandestino" fut un album qui marqua son époque, quelque chose de pas si négligeable dans la pauvre histoire du "Rock français"... Car, allez, on va appeler ça du Rock, parce que sinon, quelle étiquette coller à ces rythmes venus d'un peu partout, sur lesquels Manu balance ces mélodies simplistes mais irrésistibles dont il a le secret et ces paroles en espagnol, français, anglais et même portugais (du Brésil) ? Malheureusement, 17 ans plus tard, "Candestino" n'a pas si bien vieilli que cela : la rusticité quasi primitive de l'album, qui nous avait tant séduit, sonne presque artificielle, creuse... Ses chansons apatrides ressemblent désormais plus à des caricatures vites esquissées, à des clichés sympathiques mais finalement un peu réducteurs... Bref, même si l'on se surprend toujours à reprendre les refrains accrocheurs de "Clandestino", on se sent aussi un peu gêné d'y avoir autant cru, à l'époque... Oui, "Clandestino", comme nos souvenirs, est un album abimé par le temps et la perte de nos illusions. [Critique écrite en 2015]