Le digne concurrent de Death Grips

6.8, la moyenne sur le site de l'un des meilleurs albums de hip hop de ces dix dernières années a une moyenne de 6.8, c'est un peu consternant surtout lorsque l'on sait qu'il y a d'autres albums, bien plus exigent que celui-ci, qui ont une moyenne bien plus haute. Parce que, certes l'album est complexe dans son esthétique, mais ce n'est pas non plus inaudible ou inécoutable pour la majorité des auditeurs je pense.

Maintenant, l'album reste très très très intéressant musicalement et particulièrement original dans son approche du hip hop. On est sur une espèce de fusion brillamment réalisée d'industriel, d'expérimentale et de hip hop, avec des basculements tout au long de l'album dans des esthétiques de power electronics.

C'est très ambitieux de vouloir mélanger ce types de genres entre eux car se sont des genres particulièrement opposés les un des autres, et également, car se sont des genres très complexes à manipuler et concevoir afin d'obtenir un résultat décent à la fin. Je pense que Clipping a bien réussi à comprendre les enjeux de ces différents genres à travers ce projet, car on se retrouve avec une des plus grosses claques esthétiques de cette dernière décennie.

Je pense même qu'on peut rapprocher cet album à des esthétiques de groupes légendaires du genre du power electronics, personnellement, je trouve que le côté très répétitif, implacable et linéaire de certains beats peut faire penser à ce qu'a pu faire Whitehouse avec Bird Seed par exemple. Et on peut même faire un parallèle avec l'album G.R, car dans le morceau Body & Blood, Clipping reprend directement un sample de voix d'un des morceaux de l'album de Deadphile. Ces potentielles influences témoignes de la richesse conceptuelle de l'album, et participe grandement à l'originalité et à l'efficacité du groupe à proposer quelque chose de totalement différent et de totalement imprévisible.

Tous les morceaux possèdent une véritable identité musicale et garde néanmoins une cohérence globale au sein du projet . Ils sont calibrés dans une composition à la fois minimaliste, mais qui garde néanmoins une certaine lourdeur et présence au niveau des différents samples. Souvent le groupe va jouer sur une avalanche totale de sons et de pleins de textures sonores très industrielles, très sales et distordues, couplé à des paysages sonores en arrière-plan particulièrement oppressants et angoissants. C'est par exemple le cas pour le morceau Body & Blood ou le morceau Or Die.

Et pourtant, dans plusieurs morceaux, le groupe va jouer sur une ambiance beaucoup plus simple, beaucoup plus neutre et minimaliste. C'est notamment le cas dans le morceau Get up, avec ce beat répétitif et linéaire, très strident et efficace, et qui suit au niveau de la hauteur les hook de Mariel Jacoda sur les refrains, qui sont probablement parmi les meilleurs hook que j'ai pu entendre dans la sphère du hip hop jusqu'à maintenant.

En plus de cela, le flow de Daveed Diggs est très efficace et puissant, il va toujours chercher à avoir une intonation, une prononciation et une articulation particulière sur chaque mot, ce qui permet de ne jamais s'ennuyer et d'être constamment en face de quelque chose de nouveau.

Bref, cet album est une prouesse technique et esthétique et délivre une puissance dans ses sons que j'ai rarement pu ressentir jusqu'à présent dans la sphère du hip hop.