Vous avez dit blues ? Eh oui et pas qu'un peu ! 42 morceaux ! Ceci grâce à un cadeau de ma marmotte des bois, un bien beau livre/coffret comprenant cinq disques 78 Tours. Enfin non, je devrais dire plutôt cinq disques imitation 78 tours car ceux-ci s'écoutent bien à la vitesse d'un 33, pas besoin d’investir dans un gramophone, je vous rassure. Pourquoi une imitation alors ? Pour coller à l'époque des enregistrements pardi ! Confessin' The Blues est une compilation de blues qui fait la part belle aux années 40 et 50 et qui célèbre les racines du... rock ! Car oui c'est bien un groupe de rock qui en est à l'origine, et pas des moindres puisque ce sont les Rolling Stones eux-mêmes qui ont supervisé le boulot. Rien d'étonnant quand on connaît l’influence du blues sur le groupe, sans compter le nombre de standards que la bande a repris dans son répertoire.


Dès la pochette, on retrouve la patte du groupe via une peinture du guitariste Ronnie Wood. Mais c'est à l'écrivain Colin Larkin, auteur de la référence Encyclopedia Of Popular Music, qu'on doit l'essai introductif (en anglais) du livret. Celui-ci est agrémenté de petites bios de chaque artiste compilé et de photos en grand format.


En bonus, on trouve également dans une petite pochette à la fin du livre/coffret quatre cartes qui illustrent chacune une chanson. Elles sont de la main du dessinateur Christoph Mueller, dans un style qui colle très bien au blues et qui rappelle la BD Mister Noastalgia de Robert Crumb, consacrée à Charley Patton, le père du delta blues.


Bel objet donc ! Mais parlons musique maintenant. La face A s'ouvre sans surprise sur « Rollin' Stone » de Muddy Waters. Eh oui il fallait bien débuter l'histoire par la chanson qui a donné son nom au groupe à l'origine de cette compilation. On y trouve ensuite tous les grands noms qui ont popularisé le genre : Muddy Waters donc, mais aussi Howlin' Wolf, Elmore James, John Lee Hooker, B. B. King, Buddy Guy, etc.


De tels noms invitent donc à l'écoute de morceaux très connus. Mais pas que. Si on retrouve bien John Lee Hooker, c'est sans « Boom Bom », idem avec B. B. King dont le « Thrill is gone » est absent. On oscille donc entre morceaux légendaires tels « Mannish boy » de Muddy Waters, « Dust my broom » d'Elmore James ou « I'm a king bee » de Slim Harpo et découvertes de chansons et d'artistes plus obscures (en tout cas pour moi qui possède une connaissance limitée du blues) : Boy Blue, Amos Milburn, Billy Boy Arnold, Reverend Robert Wilkins,...


Sont aussi présents deux artistes que j’associais plus au rock'n'roll qu'au blues et dont la présence prouve la parenté entre les deux genres : Chuck Berry et Bo Diddley.


Outre pas mal de morceaux que je ne connaissais pas, j'ai redécouvert des morceaux que je connaissais dans d'autres versions. Exemple : « Bright lights, big city », un morceau de Jimmy Reed, que je ne connaissais que dans la version de The Animals, groupe ô combien doué dans les reprises (l'air traditionnel « House of the rising sun » bien sûr mais aussi « Don't Let me be misunderstood » de Nina Simone ou « Bring it home to me » de Sam Cooke).


J'ai eu surtout plaisir à retrouver trois chansons dont je connaissais les versions présentes ici mais que j'avais d'abord connues dans un premier temps, à l'adolescence, grâce à des reprises :


En premier lieu la géniale « Love in vain blues » (« I followed her to the station with a suitcase in my hand »). Elle est signée Robert Johnson, vous savez le fameux qui a croisé le diable à un carrefour, qui a pactisé avec lui, sorti quelques singles dingues et mourut dans la foulée à 27 ans inaugurant ainsi la fameuse liste des artistes décédés à cet âge (Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Brian Jones, Kurt Cobain, Amy Winehouse). Cette chanson, je l'avais d'abord découverte grâce... au Rolling Stone justement, sur l'album Let It Bleed en 1969 (mon album préféré du groupe) alors que l'originale date de 1937 quand même ! [Rq. : j'en profite pour vous conseiller la série de bandes dessinées en 3 tomes O'Boys qui conte magnifiquement les années 30 avec de nombreux clin d’œil au blues.]


Deuzio, la non moins fantastique « Key to the Highway », interprétée ici par Big Bill Broonzy (en 1940), que j'avais découverte il y a une dizaine d'années grâce au père de mon meilleur ami dans la version d'Eric Clapton et de B. B. King sur l'album Riding With The King en 2000 (que je ne saurais que trop conseillé).
Et enfin l'enthousiasmante et rockabilly « Suzie Q » de Dale Hawkins que beaucoup de gens connaissent grâce la version de Creedence Clearwater Revival en 1968 et que les Rolling Stones avaient eux aussi reprise quatre ans plus tôt.


Pour finir la face J clôt la compilation par « Confessin' the blues », la chanson de Jay McShann et Walter Brown qui a donné son nom à ce bel ensemble.


En conclusion : un bel objet, soigné et atypique et surtout musicalement emballant. En somme un excellent complément au Alan Lomax Songbook et au Martin Scorsese Presents The Blues, les deux compilations qui faisaient autorité dans le genre jusqu'alors.


[Note : la compilation existe aussi en deux vinyles doubles vendus séparément]


[Note bis: 10% des recettes sont versées à la Willie Dixon's Blues Heaven Foundation.]

Rene-Ralf
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le 15 févr. 2019

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