INTRO
Des albums à conseiller avant d'écouter cet album quand on est pas du tout un puriste de la country seraient selon moi :
All ashore - Punch Brothers (bluegrass)
Metamorphosis - Infinity Song (folk // softcountry)
Des chansons à conseiller d'écouter seraient :
Canyon Moon - Harry styles
Columbo - Bruno Major
Jolene (un grand classique) - Dolly Parton
Daddy's lessons - Beyonce
Bon. Maintenant qu'on a mis le cadre et qu'on sait à peu près à quoi s'attendre, on peut se dire "prêt" à découvrir ce style plus en détail.
Après avoir écouté l'album en boucle pendant tout le weekend, pour l'analyser en détail mais également parce que je ne pouvais tout simplement pas m'arrêter, après avoir discuté avec beaucoup de monde à propos de cet album, après avoir lu énormément d'articles et de review, je suis prêt à m'attaquer à cet album, parce que quand on s'attaque à Beyonce, on doit faire toujours très attention : elle arrive à manier beaucoup trop de choses techniquement et musicalement pour qu'on puisse juste dire qu'on aime ou on aime pas. Qu'on le veuille ou non, c'est l'une des plus grandes légendes vivante de la musique de notre génération, par les chiffres, par l'influence, et par le travail tout simplement.
La manière dont Beyonce a voulu s'introduire dans le style country cristallise parfaitement le climat socio-politique de son pays. A la suite de la polémique visant Beyonce lorsqu'elle a chanté son titre Daddy's Lessons avec les chanteuses de country THE CHICKS durant une cérémonie célébrant la musique country, qui a été malmené par la critique et les stations de radio Country américaine, il y avait beaucoup de bruit autour de l'entrée de la chanteuse dans ce registre. On peut trouver toutes les raisons du mondes aux actions de la radio, cela résulte tout de même en un snobisme d'une communauté musicale conservatrice.
En effet la country, style musical défini par le mélange ethnique et culturel, n'est aujourd'hui représenté que par des hommes blancs, les auditeurs étant majoritairement similaires aux artistes, beaucoup de paroles déplacées et racistes.
Dans ce contexte, comment l'artiste la plus récompensée de l'histoire de la musique aux grammy awards, peut-elle assurer un succès avec son album Cowboy Carter ? Cet album est-il fonctionnel ? Cohérant ? Efficace ?
0. THE POLITIC
(Représentation et message de l'album)
Je vais prendre deux morceaux pour expliciter l’idée principale qui émane de l’album :
AMERIICAN REQUIEM
Le premier morceau étant un chant de style alternative Country//Folk//Godspell présente l'essence étendue du style country.Elle nous introduit à cet album, mais aussi à un discours : "them big ideas are buried here", pouvant faire penser que l’idéologie conservatrice des puristes de country va être déconstruite avec cet album. Elle veut prouver que ce qui a été dit à son sujet est faux.
Ces paroles sont portées par un assemblage vocal divin portée par une chorale sous fond de piano. Les patterns mélodiques sont semblables à certains morceaux de Queen je pense notamment Bohemian Rhapsody. Chanson mythique d'un groupe mythique.
Les paroles répondent directement au constat auquel elle a du faire face après sa première exploration dans le style country : « It's a lot of talking going on, while I sing my song, can you hear me ? » faisant potentiellement écho aux stations de radios country ne diffusant pas sa musique, et aux remarques reçues après sa performance avec The Chicks.
Sur un fond de guitare (et de banjo électrique ?), la chanteuse utilise ses notes graves pour ajouter de l'intensité à son discours. Un Crescendo de batterie et de basses assure une plus grande puissance à la deuxième moitié du morceau.
Les paroles, le montage instrumentale, et les choix vocaux utilisés rendent le tout extrêmement puissant, tout en portant un message fort.
Cette introduction d’album lie le meilleur du passée ; avec le style musical faisant référence aux meilleurs groupes et étant parfaitement produit à l’aide de John Batiste, et le présent de manière délicatement assemblée.
BLACKBIIRD
Cette reprise de la ballade mythique des Beatles, autre groupe mythique de Rock, crée une sensation parfaite pour ce début d'album. Ce morceau contrebalance la puissance de l'introduction. Cependant, ici, la puissance se trouve dans l'histoire. Ce morceau a été créé par les Beatles en explicitant l’injustice des droits des afro-américaines dans les universités, n'ayant pas une égalité des chances dans leurs parcours d'étude. Dans ce morceau, les coeurs sont chantés par les nouvelles personnalités féminines noires de la country : Tanner Adell, Brittney Spencer, Tierra Kennedy, et Reyna Roberts. Les paroles faisant encore plus écho : « You were always waiting for this moment to arise ». Cela résonne fortement avec la situation que les jeunes chanteuses doivent vivre. Beyonce créant un moment de lumière dans leurs carrières respectives.
Même pour la chanteuse, effectuer un album d'un style très éloigné de ses bases et n'étant même pas sûre d'être reçue correctement par la critique tout en créant une plateforme pour de nouveaux artistes, c'est faire preuve de beaucoup de courage.
Le fait que ce titre arrive en deuxième, après une introduction puissante et pouvant être clivante par ses paroles, laisse une double lecture à l’auditoire : si on n’écoute que la musique, c’est une reprise respectueuse d’un hymne musical folk donc dans la champ sémantiques de la country, mais si on se intéresse à ce qu’il y a derrière, c’est de la politique.
Ces deux morceaux cristallisent parfaitement l'envie et le message que porte l'album : La musique est essentiellement libre. Du genre et des aprioris. Tous le monde peu être fort dans tous les domaines indépendamment de sa couleur de peau.
D'autres éléments comme la pochette de l’album, la tracklist faisant référence au « Chirlin Circuit », circuit territorial où les artistes noirs pouvaient voyager pendant la période ségrégationniste, ou les featurings avec Linda Martell (première personnalité noire a grande notoriété dans le genre country) vont dans ce sens, mais présentent également l'histoire des personnalités noires dans l'industrie musicale. C'est une leçon d'histoire que tout l'album et son esthétique nous offre.
Aussi, le fait qu'elle ai reçue la force des grandes stars du genre tels que Dolly Parton ou encore Willie Nelson ne font qu'adouber Beyoncé dans le style country, rendant son projet légitime. Si les stars du domaine l'aime, pourquoi pas nous ?
Je considère que l'album est divisé en deux grandes parties. La première servant à montrer que Beyonce respecte entièrement le style musical country et qu’elle est légitime à l’intégrer, et la deuxième, à le déconstruire :
i. THE ROUGH SH*T
(1er au 18e titre de l'album)
La première partie à été pensée comme un concert country. Avec les éléments de débuts de morceaux apparaissant très souvent « one, two » pour annoncer aux musiciens le debut et le tempo du morceau lors d’un concert. Bien qu’un Esthetique de radio émane également à travers certains interludes.
Du 1er au 18e titre, il y a une sorte de présentation parfaite de la country et tout ses sous-genre qui collent parfaitement à la voix de la chanteuse. Je pense plus spécifiquement au titre ALLIIGATOR TEARS qui se rapproche du bluegrass et qui est parfaitement exécuté à l'aide de glissandi entre certaines notes et un léger Yoddle dans la voix de la chanteuse. Ces procédés vocaux sont souvent utilisés dans la country. Et ce sont des remarques que certaines personnes énonçaient à la chanteuse dans le passé, disant qu'elle sonnait trop "Country". Ces techniques que Beyonce a l'habitude d'utiliser de manière globale dans sa en chantant sont trouvables dans tous ces autres disques, et si vous voulez en avoir le cœur net, je vous propose de (ré)écouter Renaissance, album le moins cohérent avec ce style musical de Cowboy Carter (quoique).
Le titre BODYGUARD est la ballade country/pop/rock par excellence. Laissant place au groove des guitares et des basses avec un rythme répétitif au pattern efficace.
L'apparition de Dolly Parton introduisant ensuite la nouvelle version de son titre phare JOLENE par Beyoncé est un acte culturel. Un moment d'appréciation musicale entre deux grandes personnalité n'est pas fréquent dans des albums. Ce qui ne dénote cependant pas avec l'esthétique du projet qui apparait comme une station radio (toujours référence au contexte de son arrivée dans le genre musical). C'est donc le deuxième classique auquel s'attaque la chanteuse dans l'album. Ce qui permet à tous le monde de l'écouter en comprenant qu'une notion du respect du genre émane de l’album. Ce n'est pas seulement une réappropriation, c'est une déclaration d'amour avec les racines Texanes de la chanteuse.
II MOST WANTED représente un autre moment ou la musique et les valeurs de la country se mélange : à travers l'esprit de camaraderie. Miley Cyrus, nièce de Dolly Parton, baignant dans la country tout en restant cependant une star de la pop, vient donner sa voix en duo sur le projet. Les deux chanteuses s'offrant une ballade sur le thème de l'amour et l'amitié qui nous donne par la même occasion un duo complémentaires.
Leurs deux voix graves se mélanges parfaitement quand elles chantent à la tierce. C'est un duo extrêmement bien réussi qui laisse place à la voix de chacune des artistes de manière modéré, douce, et agréable à écouter.
Une singularité dans la première partie serait le titre SPAGHETTII, ou la chanteuse se met à rapper et exprimer son envie de contrer les genres, qui "confine[raient]", d'après les mots de Linda Martell, certains artistes, mais également les gens en générale. Le son fait fusionner rap, funk brésilienne, et country avec l'apparition de Shaboozey, nouvelle personnalité de la fusion rap/country, qui est cohérente et efficace.
La première partie de l'album est alors une célébration : à la culture de la country, à la culture noire, aux valeurs de la country, aux classiques du genre et leurs impacte dans l'histoire. Nous pourrions nous arrêter la et nous dire que le parie est parfaitement réussi, que Beyoncé aurait parfaitement compris l'essence du genre musical et qu'elle devrait être félicitée pour cet essaie initiatique.
( je n’ai malheureusement pas parlé de DAUGHTER avec ses soupçons d’opéra, ni de FLAMENCO remettant aux goûts du jour les racines latino de la country, mais c’est par manque de temps aha)
Mais si ça s’arrêtait là, ce ne serait pas risqué, ni dangereux. Ça ne changerait pas grand chose en fait. Puis ça ne serait pas fun, si ?
ii. THE NEW SH*T
(19e au 27e titre de l'album)
Le fait que ça soit uniquement dans cette partie que l’artiste présente « Cowboy Carter act ii » à la manière d’une artiste sur scène devant son public, permet de prétendre qu’on va enfin assister à de la fusion. A quelque chose d’encore plus grand. A quelque chose qui rappel l’acte i et donc qui rappel ses fans et les auditeurs de RENAISSANCE. Puis c’est une potentielle explicitation d’une futur tournée ?
L'introduction de cette partie se fait grâce à l'intervention de Linda Martell, présentant le son YA YA, mais pas uniquement, car à partir de ce titre : l'album se transforme en DJ set réinventé pour le genre country. C'est une cohésion parfaite entre son ancien projet Renaissance utilisant le même procédé avec les genres musicaux de l'EDM (électro dance music, mais aussi le RnB, le disco et l'afrobeat). Cette partie commence alors avec du rock N roll. Beyonce sample deux titres iconiques du genre (dont je n'ai plus les noms la, j'avoue) qui permettent de mettre de l’énergie dans l'instru, donnant place à une batterie active, une guitare déchainée, mais surtout à un mixage sonore magique créant un semblant de concert live enregistré à coté d'un micro d'une salle de concert. Beyoncé s'amuse avec sa voix et tranche chaque notes au scalpel quand il le faut. Un titre dansant et puissant. Ce morceau est cohérent avec la première partie de l'album, mais aussi potentiellement avec la suite du troisième acte de cette trilogie qui s'annonce Rock ? C'est une pensée à plusieurs niveau comme on en a rarement entendu. Elle se permet, à la fin du titre, de partir dans des runs accompagné d'un solo de guitare déchainé, nous amenant directement vers l'interlude OH LOUISIANA, qui nous permet d'enchainer avec DESERT EAGLE qui sonne parfaitement funk, transition avec les titres d'avant, mais aussi avec Renaissance qui comportait
de la disco/funk avec VIRGO'S GROOVE. Le titre suivant est RIIVERDANCE, fusionnant la house avec la country tel une symbiose évidente, mais des paroles et un pattern mélodique coïncidant parfaitement avec la country. Nous somme toujours dans un album Cowboy. Puis arrive II HANDS II HEAVEN qui crée une ballade pop électro parfaite avant de nous donner le magistral TYRANT avec l'introduction accappella et la voix de Dolly Parton dans les coeurs, jusqu'à ce qu’arrive les 808, les grosses basses utilisées dans le Hip-Hop et le rap. Vient alors SWEET//HONEY//BUCKIIN' parallèle à PURE//HONEY dans RENAISSANCE. Les deux morceaux étant placés au même endroits dans les deux albums : avant-derniers morceaux. SWEET//HONEY//BUCKIIN' possède cependant les styles country/club/jersey drill/ Hip-Hop/rap, ce qui pourrait en étourdir certains, mais grâce au pattern rythmique et à la production magistrale, cohérente et efficace Pharrell Williams, l'un des plus anciens collaborateur de l'artiste, nous obtenons une fusion parfaite entre tous ces genres sans se soucier de ce qu'on écoute. Il n'est plus question de genre musical ici, mais d'énergie et de danse.
La conclusion se fait avec AMEN, faisant pleinement écho à l'introduction AMERIICAN REQUIEM et terminant l'album avec le même refrain.
En quoi cette deuxième partie est une réussite ? Elle permet en premier lieu de créer la parfaite cohérence avec son dernier album RENAISSANCE qui proposait une suite logique entre les morceaux similaire à un DJ set également, sauf que cette fois les genres choisis sont encore plus éloignés.
Cette deuxième partie transforme naturellement l'album en une expérience ALTERNATIVE, nomination qui permet d'englober tous les genres mais également toutes les fusions possibles. Etant donné le discours qu'elle a pu tenir dans le titre SPAGHETTII, on peut considéré que son envie de fusion est entièrement réussie. Bien que certains consommateurs de musiques country ne soit pas réceptifs aux fusions de genre, Beyoncé sait surement que les adeptes de RENAISSANCE le sont. Elle amène des gens à écouter plus de style de musique et fait toujours travailler l’oreille de son auditoire. Elle fait écouter de nouvelles choses aux gens, peu importe si ils aiment ou non.
CONCLUSION
Je ne pensais pas qu'il serait possible de faire autant dans un seul projet, mais il faut avouer qu'ici le travail est colossale.
Certaines critiques trouvent l’album parfois ennuyeux. Ce que je conçois totalement, cependant, c’est parce que c’est justement de la country, pure et parfaitement réussie que cela peut avoir cet effet. Parfois, ce style peut être ennuyeux hors contexte et surtout si on ne met en parallèle avec des titres plus accrocheurs, dissociés des ballades.
Peu importe si on aime ou non, il faut reconnaitre quand quelqu'un bosse comme un fou furieux et la c'était le cas. Ca surpasse la charge de travail monstre que RENAISSANCE pouvait nous donner. Ici, on a accès à un classique.
Les messages sont passés, les personnalités ont été récompensées, et la musique a été extrêmement bien produite. Bien que des moments ou dans le projet, les températures musicales peuvent effectuer un choc thermique, il est évident que cela fait du bien à une industrie musicale de plus en plus conformisée.
Cet album vous fait suer les oreilles pour le mieux.
MON AVIS CRU
QUI LA PEUX ?
C'est un des meilleurs albums de la décennie.
Il présente le passé et annonce le futur
Je suis reconnaissant de pouvoir assister au développement musical de cette artiste.
jvais écouter RIIVERDANCE tout l'été mdrrrr
Merci d'avoir écouté mon TedTalk.