Currents
7.2
Currents

Album de Tame Impala (2015)

Tame Impala est une façade. C'est ce que semble découvrir une partie du monde alors qu'en réalité, Kevin Parker l'affirme depuis Innerspeaker (2010). Si d'autres musiciens ont bien fondé le groupe avec lui, une partie d'entre eux à depuis quitté le navire pour jouer dans Pond, autre formation australienne de rock psychédélique, et de toute façon il a toujours composé, enregistré et mixé lui-même les trois albums du groupe, avec l'aide de quelques musiciens et techniciens pour les deux premiers efforts.


Mais la célébrité et la richesse qui sont arrivées après Lonerism (Parker s'est d'ailleurs fait construire son propre studio d'enregistrement avec les retombées financières de la pub Blackberry) ont renforcé la solitude de ce modeste génie. Le troisième album de Tame Impala, qu'on aurai désormais du mal à qualifier de groupe, est le fruit de cette solitude et de ce génie. Reclus chez lui dans son studio tout neuf, Parker a couché sur basse et sur synthé ses pensées, ses peines et ses frustrations pour créer ce disque, à la fois lumineux et mélancolique, facile d'accès et étonnamment riche.


Si la presse spécialisée est largement convaincue de la réussite du projet, les fans eux, sont plus divisés. Hallali ! Où sont donc les riffs dantesques et imparables, la verve rock psychédélique que nous aimions tant ? D'où vient ce goût subit pour une pop à claviers sirupeuses et neurasthénique ? Peut-être sont-ce simplement les manifestations des aspirations artistiques profondes de l'australien, ce nerd attachant, ingé son de génie et sorcier de studio. Car sous atours à priori très synth pop un peu facile, Currents est un disque d'une remarquable sensibilité.


Organisé en mouvements séparés par des intermèdes musicaux tout aussi intrigants que frustrants (Nangs, Gossip, Disciples), ce troisième album studio s'ouvre sur un fastueux prélude, le merveilleux single Let it Happen, et se clôt sur une chanson qui lui répond, la non moins ambitieuse - mais moins immédiate - New Person, Same Old Mistakes. Entre cette profession de foi sur la solitude choisie mais qu'implique la célébrité pour un artiste et cet aveu de cette incapacité à devenir la personne que certains voudraient qu'il soit, Parker explore en une poignée de chansons toutes aussi soignées les unes que les autres ses affres amoureuses (Eventually), ses torts (Yes, I'm Changing), son humour amer (Cause I'm a Man). La guitare s'efface considérablement, au profit des claviers et la basse qu'il joue en virtuose, le tout nimbé d'effets que l'artiste maîtrise d'une manière presque affolante, et au milieu desquels il noie sa voie inimitable.


Poser une étiquette générique sur un tel disque n'est pas mince affaire. Pop, c'est certain, psychédélique pour la quantité d'effets et la subtilité de leurs agencements, soul et R'n'B pour certaines vibes et rythmiques, classieux à n'en point douter. Le disque murit à chaque nouvelle écoute et fonctionne comme une suite de délicieux sortilèges cotonneux distillés par un désormais grand nom de la musique indie.

Créée

le 20 juil. 2015

Critique lue 2K fois

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Krokodebil

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