Le mal-aimé ?
Tame Impala est une façade. C'est ce que semble découvrir une partie du monde alors qu'en réalité, Kevin Parker l'affirme depuis Innerspeaker (2010). Si d'autres musiciens ont bien fondé le groupe...
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le 20 juil. 2015
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« I’m a total outcast » déclarait Kevin Parker le solitaire, lui qui passait le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre à écouter de la musique, écrire, composer, jouer de tous ses instruments. Immergé dans sa bulle, la musique était son seul compagnon et il adorait ça. Si c’était un marginal, sans aucun doute. En 2008, quand il tire un trait sur ses études d’astronomie pour la musique (il signe chez Modular, label sur lequel il signe jusqu'à Lonerism - il est aujourd'hui sur Interscope) et jusqu’à ses premières tournées, jouer pour un public n’est pas naturel du tout. Quelle importance tout ce succès, tout ce public ? Beaucoup de fans ? Peu importe, du moment qu’il s’éclate, lui, à jouer ses morceaux avec son groupe, Tame Impala, devant un public comblé.
On se souvient d’Innerspeaker en 2010, le premier album du groupe qui les a révélés sur la scène indépendante. Un rock psychédélique qui remettait les années 60 au goût du jour. Des morceaux centrés sur les guitares avec un maximum de reverb et d’effets en tous genres. C’était déjà une première ode à la solitude mais c’était avant tout l’album par lequel Tame Impala voulait se révéler. Kevin Parker était obnubilé par ce que les gens penseraient de l’album alors il a cru bon de se fixer des critères sur la musique qui pourrait plaire. Des guitares sonnant comme des synthés, des batteries comme des samples : créer le doute chez l’auditeur sur l’origine des sons est devenu la marque de fabrique d’Innerspeaker. Sûrement pas l’album le plus personnel de Kevin Parker mais un premier grand pas vers le succès. Car ce qui l’obsédait, c’était bien toujours la solitude.
Après le succès d’Innerspeaker, Kevin Parker se laisse aller dans une écriture plus spontanée sur Lonerism. Plus question de se préoccuper de ce que penseraient la presse, l’industrie ou même ses proches. Continuant sa collaboration avec Dave Fridmann, producteur assez réputé en matières d’effets psychédéliques (également bassiste de Mercury Rev, il a aussi produit MGMT et The Flaming Lips, entre autres), il fait de sa solitude, son isolement, un véritable leitmotiv dans Lonerism. Empreint d’une mélancolie certaine, c’est l’album qui renoue le rock psychédélique avec des mouvances plus modernes, plus pop. Il est acclamé et considéré pour beaucoup comme un des meilleurs albums de 2012.
En deux ans, Tame Impala est devenu une référence de la scène indépendante, un des groupes phares du début des années 2010. Kevin Parker s’est fait une belle réputation. Quel paradoxe pourtant que son goût pour la solitude l’ait propulsé en haut de la scène indépendante. Et même au-delà ! Sa collaboration avec Mark Ronson en début d’année ne nous y trompe pas. L’homme a changé. Et il veut le montrer. Trois chansons sur l’album de Mark Ronson dont la belle réussite «Daffodils» aux sons plus pop, électroniques. Une première manière de nous dire que le prochain Tame Impala serait bien différent.
Oui, Kevin Parker évolue. Dans Currents, il le dit lui-même : « Yes, I’m Changing ». Il sait bien qu’il aurait pu écrire un Lonerism 2.0 et qu’il aurait sûrement eu un grand succès. Mais quel mérite aurait-il eu ? Le Monsieur ne fait pas dans la facilité. Surtout, il avait envie de faire autre chose. Au revoir le revival 60’s, la synthpop 80’s est en vogue et Parker a envie de s’y essayer. Si je devais faire un court résumé de Currents, je dirais tout simplement qu’il a remplacé ses fameuses guitares par des synthétiseurs. Un très gros raccourci qui décrit pourtant mes premières impressions après ma première écoute. Il n’a pas abandonné ses effets psychédéliques, il les a juste fait évoluer. Lui qui a toujours clamé faire de la pop psychédélique, c’est bien avec ce dernier album qu’on peut lui donner raison.
Difficile de comparer ce dernier album avec les deux précédents tant l’ambiance y est différente. Le nom de l’album n’est pas choisi au hasard : plus question de mélancolie d’un garçon retranché dans son appartement, Currents instille le mouvement ; Parker veut que sa musique fasse danser. Non plus une expérience solo au casque comme sur Lonerism mais une musique partagée qu’il rêverait presque qu’un DJ passe sur une plage. Une musique qui vous ferait danser immédiatement : « just let it happen » comme il le chante si bien sur la chanson d’ouverture.
Sa relation avec Mélody Prochet – celle avec qui il avait monté le beau projet Melody’s Echo Chamber – et leur rupture a sûrement pas mal inspiré Currents. Parce que l’état d’esprit du jeune Australien est différent aujourd’hui et parce qu’il sent qu’il est temps de tourner la page. Currents inspire autant l’énergie qu’il veut faire passer par sa musique que le mouvement de Parker vers autre chose.
Currents est le premier album pop de Tame Impala, un album qui fait la part belle aux synthés et qui remet en avant certains instruments comme la batterie et la basse, beaucoup plus placées en arrière-plan sur les deux premiers albums. Ici, ce n’est plus tant le mur du son psychédélique que les instruments eux-mêmes qui intéressent. On pense à la partie de batterie de « The Moment », à l’accompagnement de la basse sur les couplets de « Cause I’m a Man ». Bref, Parker s’attache ici plus à la mélodie qu’aux vagues psychédéliques auxquelles il nous avait habitués. Là encore, c’est le mouvement qui lui plaît.
Tame Impala a changé, c’est certain. En fait, je dirais plutôt que Tame Impala mue. Currents est un joli cocon pop qui ne m’a pas autant transcendé qu’Innerspeaker ou Lonerism mais qui n'abandonne pas l’essence même de Tame Impala, le psychédélisme. Ce changement de style est difficile à accepter pour certains tant les deux premiers albums étaient excellents mais l’évolution est somme toute assez logique. L’introverti Kevin Parker n’est plus. Enfin… presque. Une chose est sûre, on ne le reprendra désormais plus à dire « I’m a total outcast ».
Sources :
http://latrempe.com/2012/11/04/we-need-to-talk-about-kevin/
http://www.nme.com/blogs/nme-blogs/tame-impala-interview-kevin-parker-on-swapping-psych-rock-licks-for-daft-punk-ish-dance-on-new-album
http://pitchfork.com/reviews/albums/20578-currents/
http://www.stereogum.com/1814530/premature-evaluation-tame-impala-currents/franchises/premature-evaluation/
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le 14 juil. 2015
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