"He loves as a bird sings, or a rose blows from nature..."
(Attention : spoilers !)
C’est sûrement ce que Barry Lyndon ne fera plus après son duel contre John Quin, aimer. Cet Irlandais a mené une ascension sociale dans le film mais a finalement perdu toute sa dignité, tout cet honneur qu’il avait et que l’on pouvait observer au début du film dans sa malheureuse conquête de Nora Brady. D’ailleurs, au début du film, il gagne le duel contre Quin mais perd son être adoré ; à la fin du film, il perd le duel (plus ou moins volontairement, certes) contre Bullingdon et perd tout. Enfin, peut-être pas tant que ça car il est criblé de dettes et il n’aime visiblement plus (l’a-t-il jamais aimée ?) sa femme. Son histoire commence par un duel et elle se finit par un duel. J'irais même plus loin : son histoire commence par un duel faussement gagné et elle se termine par un duel faussement perdu. Le reflet du parcours de son identité faussement gagnée et, par conséquent, faussement perdue. Le devenu Barry Lyndon redevient simplement Redmond Barry. Et qu’a-t-il gagné dans cette vie qu’il a menée depuis son départ d’Irlande ? Rien. Rien, sauf le luxe, la noblesse, la possession, tout ce qu’il y a de plus éphémère et superficiel. Et au prix de quoi ? La haine de son beau-fils, le décès du seul être qu’il ait pu aimer après Nora, son fils Bryan, l’affliction dans laquelle sa femme vit sans cesse, et, ce qui le perdra finalement, ses dettes engendrées dans le seul but de devenir Lord. Bref, ce récit nous dépeint un personnage qui a perdu tous ses bons sentiments, transformé par la société de l’époque au fil de ses épopées dont le destin ne pourra être que la solitude et le mal-être. C’est d’ailleurs le narrateur lui-même qui nous le révèle bien avant que Barry n’y soit confronté, une manière de souligner son inexorabilité et de nous focaliser sur les raisons de sa chute.
Le film se décompose en deux parties (comme Kubrick aime si bien le faire...). La première emmène Redmond Barry vers Barry Lyndon au fil d’épopées, durant la Guerre de Sept Ans, le personnage passant par toutes sortes de situations, contraint, au départ, de fuir sa ville après avoir cru tuer le capitaine Quin. La seconde dépeint la détestable vie de Barry Lyndon, celui qui s’installe comme père de Bullingdon, comme possesseur de la fortune de Lyndon mais qui ne saura guère aimer que son fils Bryan et qui subira fatalement un destin tragique.
L’histoire se déroule au XVIIIème siècle, et même si je ne l’avais pas su, j’aurais largement pu le deviner. C’est incroyable de réalisme, on s’y croirait ! Les plans m’ont impressionné par leur qualité. C’est splendide. Les costumes, le décor, la luminosité, rien n’a été laissé au hasard par Kubrick. Le film a été formidablement mis en scène. Un tableau vivant. Et que dire de la bande originale ? Cette dernière nous plonge plus encore dans cette atmosphère du siècle des lumières. Bon d’accord, Kubrick a quelque peu triché en y mettant le fameux Trio de Schubert (1814) mais je crois qu’on ne lui en voudra pas.
Ce film est sans aucun doute un chef-d’oeuvre de Kubrick. Moi qui ne suis pas, en général, adepte des films historiques de ce genre, j’ai été plus qu’emballé. Pas une seule seconde je ne me suis ennuyé durant le film. On pourrait pourtant s’attendre à des longueurs inutiles lorsqu’on se rend compte de la durée du film, mais loin d’être ennuyeux, ce film nous semble bien court après cette longue immersion, ce voyage dans le temps, au coeur du XVIIIème siècle.