Fading Frontier
6.9
Fading Frontier

Album de Deerhunter (2015)

Un bout de temps que je voulais écrire une chronique sur ce groupe qui fait mon bonheur musical depuis déjà quelques années. Halcyon Digest m'a véritablement fait évoluer musicalement et il continue toujours autant de me ravir, comme tous les autres albums. Comme je trouve le temps d'écrire, je voulais enfin mettre quelques mots sur leur dernier album en date, à peine sorti.


Au fil de ses déclarations, on se demande si on ne perd pas Bradford Cox ces derniers temps. A moins que justement on ne l’ait jamais autant retrouvé ? Personnage mystérieux, il a toujours aimé se faire remarquer au gré de déclarations et de caprices tous plus ridicules les uns que les autres. Et ce ne sont pas ses dernières punch-lines qui vont nous faire dire le contraire.


Mais qu'importe car il y a autre chose qui ne change pas avec Deerhunter, c’est la qualité de leurs albums. Déjà détenteurs d’une discographie que tout groupe rêverait d’avoir après dix ans de carrière, le dernier album en date, Fading Frontier, met définitivement la bande de Cox dans le très fermé club des groupes de rock indépendant les plus prolifiques du début de ce XXIème siècle. Car ce qu’il y a de bien avec Deerhunter, c’est qu’ils ne se contentent pas de rester sur ce qu’ils savent faire. Chaque album ouvre de nouvelles perspectives, explore de nouvelles influences et nous ravit à chaque fois.


C’est évidemment avec une grande surprise et une satisfaction partagées qu’on a accueilli le premier single « Snakeskin ». Un tube pop/rock découvert avec le clip où l’on a le bonheur de retrouver Bradford Cox en pleine forme avec son nouveau compagnon de tous les jours, son chien. « Snakeskin », c’est un bon tube funky aux grooves dansants qui annonce la couleur d’un album beaucoup plus abordable que ses prédécesseurs.


Vous l'avez compris, dans Fading Frontier, Deerhunter se veut beaucoup plus pop, quoi que plus pop/rock que pop. Car ils ne vont pas aussi loin que d’autres groupes (Tame Impala, Unknown Mortal Orchestra pour ne citer qu’eux) revenus au devant la scène cette année. Le synthé est beaucoup mis en avant dans cet album mais les guitares sont toujours là. On se souvient de la première déclaration de Cox quelques mois avant la sortie de Fading Frontier : l’album sonnera INXS. Allez voir son croquis de ses influences qu’il a partagé à la sortie de l’album, on comprend d’autant mieux son propos.


On change radicalement de l’ambiance des autres albums. On est notamment à l’opposé du précédent Monomania dans lequel Bradford Cox, énervé, un brin haineux, déclame sa rage sur un enregistrement lo-fi aux guitares criantes.


Au contraire donc, Fading Frontier est bien plus calme et plus humain comme Cox le dit lui-même. S’être fait renverser par une voiture en fin d’année 2014 l’a fait réfléchir. Même si on voit bien qu’il n’aime pas parler de cet accident dans ses récentes interviews, l’album retranscrit de manière évidente sa prise de recul. « Living My Life » et sa superbe montée avec un Cox qui répète à l’envi le titre tout au long de la chanson est sûrement le titre qui la reflète le mieux. Sur un fond ténu de synthé au début pour terminer sur une superbe harmonie de tous les instruments, avec lui clamant toujours « Living My Life » accompagné de sa propre voix en chœurs, la chanson fait mouche.


Le titre de l’album lui-même oppose le Bradford Cox de 2015 à celui de Monomania. Fading Frontier exprime la mélancolie d’un chanteur néanmoins heureux de profiter de sa vie paisible accompagné de son compagnon de tous les jours, son chien. Une mélancolie à la sortie d’un hiver rude et un bonheur retrouvé à l’orée des premiers jours du printemps, avec le sentiment que les beaux jours arrivent, voilà comment Cox décrirait son album.


On sent que le groupe est plus soudé qu’avant. Cox compose certes la plupart des chansons mais il laisse aussi les autres membres du groupe et ses producteurs contribuer. Comme sur chaque album, Lockett Pundt a sa propre chanson (« Ad Astra ») sur celui-ci mais il partage, et c'est une nouveauté, le lead sur « Breaker », certainement la plus jolie chanson de l’album. Les deux voix de Pundt et Cox s’accordent parfaitement sur un des refrains les plus reposants qui soient, alliant les basses de Cox et les médium/aigus de Pundt sur des instrumentales qu'on a rarement connues aussi mélodieuses.


Il fait également confiance à son producteur Ben H. Allen qu’il retrouve 5 ans après Halcyon Digest. « Take Care » et ses synthés à la Michael Mann, c’est son producteur qui en a eu l’idée. A l’origine, Cox voulait faire une « ballade 50’s, un truc qu’il a déjà fait des dizaines de fois » explique-t-il, mais on connaît bien son intransigeance.


Cox éprouve le besoin permanent de se renouveler musicalement. La carrière du groupe en est la preuve directe. Mais Cox ressent également la nécessité de revenir à ce sur quoi il n’a pas réussi. Le retour aux sources évoqué par le groupe sur l’excellent Monomania n’était qu’une preuve de plus du perfectionnisme du leader de Deerhunter. Cox déteste l’échec, il déteste le premier album de Deerhunter et comme il l’explique dans une interview très récente - une des rares où il n’a pas dérapé -, lorsqu’il échoue, il réessaie. Comme avec « Take Care » donc, dont il est d’ailleurs ravi.


Bradford Cox relativise, il se contente de choses plus simples. Et il le fait dans sa musique également. Car Fading Frontier est définitivement l’album le plus abordable du groupe. C’est ce que Deerhunter voulait : un album qui pourrait passer à la radio mais dont on apprécierait toujours mieux les sonorités dans son casque ou avec une bonne platine, assis tranquillement dans son canapé. Un classique à la REM pour résumer. Je pense que j’aurai personnellement plus tendance à m’en lasser mais il n’empêche que le pari du groupe est une nouvelle fois réussi. Décidément, aucune frontière ne semble indépassable pour le groupe des chasseurs de cerfs.

Frider
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le 27 oct. 2015

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Frider

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