Le monde du rap me débecte aujourd'hui.
Je ne parle pas foncièrement des musiques, mais de tout ce qui gravite autour, entre les critiques des uns, souvent infondées, l'aveuglément des autres, qui exprime une mauvaise foi évidente, le manque de culture d'un large public qui se contente de ce qui passe à la radio ou en boîte de nuit, et pour finir l'inclémence à outrance des "puristes" qui voudraient le retour du vrai rap sur le devant de la scène mais qui ne vont pas hésiter à descendre un rappeur qui fait preuve un minimum de recherche lyricale, entre autres choses.
Nekfeu en est un exemple parfait. ALORS OUI : sa fan base de PUCELLES DÉPRESSIVES, de PARIGOTS EXCENTRIQUES, de SKATEURS DU DIMANCHE et de BABTOUS BÉDAVEURS. Tout ça fait qu'on ne peut pas s'empêcher d'y penser en écoutant sa discographie. Et c'est bien dommage.
D'autant plus que son excès de confiance n'est qu'une façade car le Fennec est un homme sachant faire preuve de modestie. Sa technique d'écriture, multipliant les allitérations, peut s'avérer déconcertant. Mais la putain de force de Nekfeu, malgré un physique inoffensif, c'est de savoir faire la différence quand il le faut, il parvient à apporter une cassure inattendue avec n'importe lequel des artistes avec lesquels il collabore. Son rap ne se dégonfle jamais, il ne cache aucunement ses inspirations musicales et grand bien lui fasse.
Ce nouveau skeud "CYBORG" est un pur produit, étonnement minimaliste, s'écartant des tendances très pop de "FEU" pour faire la part belle à des productions plus obscures, un peu plus travaillées sur le fond et l'univers imagé dans cet album s'avère moins tape-à-l'oeil. Pas de "On Verra", ni de "Ma Dope", et c'est tout à son honneur, le gars est malin, en réussissant un début de carrière en solo grâce à "FEU" qui alternait des sons commerciaux et des sons plus personnels, dèsormais il peut enfin conforter sa fanbase en faisant tout ce qui le représente véritablement sur "CYBORG". Entamant l'odyssée d'un cyborg par une piste exceptionnelle : Humanoïde. Il se questionne sur son existence subliminale, au risque de dérouter une partie de son public en jouant la carte de l'empathie. Il construit dans sa conscience un monde sombre mais apaisant pour lui-même et pour les siens. Nekfeu est un rappeur qui est très porté sur l'humain, sur ses dépendances, ses sens et ses nécessités. En témoigne l'appellation "Cyborg" utilisée ici, mais également ses anciens morceaux dont "Nique les clones Part. 2".
Par ailleurs, une mention spéciale pour Esquimaux et Nekketsu, avec des passages en japonais, pour le premier cité c'est Népal qui s'y coltine avec un ton nonchalant, cela renforce son alchimie avec la vitesse vocale de Nekfeu. Pour le second cité, en plus des nombreuses références à la culture asiatique, il y a un refrain chanté en japonais qui apporte un souffle nouveau au rap français. Un joli clin d'oeil à toute une génération bercée par le japon, notamment les mangas.
Loin d'être parfait, pas tout à fait cohérent dans son engrenage, mais tout de même plus solide que son précédent projet, CYBORG m'a fait beaucoup de bien et rassure quant à l'avenir de Nekfeu. Il s'est fait plaisir sur cet album et ça se ressent, aussi bien dans ses textes que dans ses multiples collaborations. Un vrai kiff.