Auto-proclamé boss du rap game et suivi dans son délire par une presse musicale consensuelle et promouvant constamment le phénomène, je me devais de jeter une oreille ou deux sur ce dernier B2O, formule gagnante chez les jeunes décérébrés comme chez les “spécialistes”. D'autant plus qu'il fait le buzz en ce moment pour son “clash” avec *Charlie Hebdo* et que mon frère de 21 piges me l'impose constamment en foutant les bass à fond, faisant trembler toute la baraque sous autotune 92i. En lui demandant pourquoi cette fan-attitude envers ce business man qui ne le mérite pas forcément, il me répond, habillé tout en **UKT** : “T'as qu'à mater ses interviews”. Ok.
Mouais… Mais voilà, j'ai beau aller d'interview en interview (beaucoup de lèches, de conneries sont dites mais partant de sa logique, ça fait sens), la plupart ne parlent pas de sa musique mais de ses clashs, de son histoire, de ses textes… En même temps, normal vous me direz, c'est un rappeur… le texte avant tout ! Très bien, alors analysant quelques passages de ce dernier album, D.U.C, oui voilà (tiens, il épelle aussi ses titres, comme le R.E.D de M.Pokora… enfin, je dis ça…). D'autant plus utile que l'on étudie ses “textes” (avec Orelsan) au bac Philo de nos jours, entre Proust et La Fontaine… l'avenir de la littérature, je vous dis !
Et cet avenir, c'est quoi ? C'est les punchlines (comme Joey Starr a aimé le rappeler). Ça marche bien les punchlines, c'est de notre génération twitter, il suffit de voir le buzz qu'avait provoqué Nabilla avec son histoire de Shampoing. Un refrain réussi n'est-il d'ailleurs pas composé d’une ou plusieurs grosses punchlines ? Les jeunes apprécieront donc ce D.U.C, composé à 99% de punchlines. Défaut récurrent chez Booba (depuis que j'entends ce qu'il fait, Ouestside on va dire), dans un même titre, on passe d'une punchline à une autre sans qu'il n'y ait forcément de liens entre elles, de cohérence dans son ensemble par rapport au titre donné à la chanson.
Prenons un passage à peu près lisible parmis toutes ces incompréhensibles paroles auto-tunées, anglicisées et verlansifier (t'as vu, je peux aussi inventer des mots), par exemple, sur Tony Sosa, un des singles :
*Ils nous demandent, y'a-t-il un crime qu'on ait peur de commettre* (Qui te demande ça ? De qui tu parles ?)
*Être disque de platine c'est mon fond de commerce* (Pourquoi tu ne réponds pas à la question que tu te poses dans ta réplique précédente ?)
*Sang de haineux sur le devant de la paire de Converse* (Putain… le rapport cause à effet mec ! Du punchline pour du punchline… quel intérêt ?)
*Tu es très décevant, comme mes bulletins scolaires et ton entrée au top'zer“* (Mais qui est décevant ? A qui ce texte est adressé bordel !!?)
On pourrait faire ce petit jeu sur 90% de ses lyrics ! Heureusement, j'ai pas vraiment le temps mais je laisse le soin à tout ses "fans” de s'en occuper ; entraînez vous pour le Bac, choisissez un des 19 titres et envoyez-moi toutes vos analyses de texte en privé, je les lirais avec plaisir ! Je passerais sur le nombre de fois qu'il se contredit, parfois même dans un même morceau, prônant le contraire de ce qu'il jacte en interview, juste pour le plaisir de la formule. Je retiendrais surtout celle-ci “Si les meilleurs partent en premier, pourquoi suis-je toujours en vie ?”… Oui, la réponse est dans la question, smiley clin d'oeil (parait que ça se fait pas de foutre des smileys dans une critique… Bah !).
Mais bon, paraît que ***Booba***, depuis 3,4 albums/mixtapes, faut plus trop s'intéresser à ce qu'il dit… Plutôt logique, qui a envie d'écouter un millionaire rapper ? Promouvant un capitalisme primaire, il n'est plus du tout la voix du peuple, de la rue, même si les plus jeunes prennent plaisir à essayer de l'imiter avec le peu d'argent de poche que leu*r donnent leurs parents. Non, comme il le dit lui-même dans une de ses interviews pour* le Parisien “Ce qui m'intéresse le plus après les paroles, c'est la musique”… en même temps ; quoi d'autre ? On va donc aussi s'intéresser au son bien “lourd et puissant” que les fans vantent sans cesse.
On peut au moins accorder une chose à ce business man, c'est de faire du son “à l'américaine” comme il aime nous le vendre. Imitation ? Non, on va dire tout simplement qu'il est dans l'ère du temps. Mais ce temps n'est-il pas en train de faire régresser la culture musicale, comme se l'avoue la plupart des spécialistes ? Ce nouveau courant que l'on entend tout au long de D.U.C, appelé Drill, est d'un incroyable minimalisme, empruntant le beat de la trap music… comme si une seule boite à rythme régissait tout l'album, tout le mainstream actuel.
Certes, le mixage fait ressortir ce beat et la bass, donnant l'impression que chaque morceau tape fort. Mais concrètement, les instrus sont assez faibles, plaçant en boucle des gimmicks aléatoires au synthé… comme souvent vous me direz ! Oui mais là, on est tellement habitué à cette formule que ça pue l’auto-parodie ; dès que les notes au clavier démarrent un morceau, on sait qu'on va devoir se le souffrir tout le long, avec quelques variations et des breaks, parfois même mal placés ! Si ces boucles peuvent être affreuses, elles s’imitent aussi quelques fois… et sur 19 pistes c'est assez lourd.
Et ces cons de journalistes, tout comme Booba, qui osent affirmer que D.U.C est très varié musicalement, très coloré. Putain ! Les seules variations entendues sont sur All Set qui tente des couplets plus dansants (mais toujours avec la même boite à rythme, ça coûte moins cher sûrement), G-Love et sa formule 2000 de reggae/dance-hall inspirée de son tube Au bout des rêves, Temps Mort qui grâce à Lino, ressemble enfin à un véritable morceau de rap et… ben c'est à peu près tout en fait… les 16 autres morceaux sont tous de la Drill/Trap.
Je reviendrais enfin sur l'utilisation massive de l'Auto-Tune. D'après une interview pour l’ABCD'r du son, Booba affirme ne pas se l'imposer, il utiliserait l'auto-tune lorsqu'il “aurait une mélodie qui apporterait un truc au morceau et qui passerait mieux que le rap“. Bon, tout d'abord, bravo les mélodies ! Ça fait 5 piges qu'il nous joue les mêmes ! Et c'est pas comme si son usage de l'auto-tune était vraiment agréable. Mais le pire, c'est quand il applique cette méthode sur un flow à un seul ton qui n'en demandait pourtant pas. Est-ce qu'on peut encore considérer ça comme du “rap” ?
Booba a en tout cas le mérite d'avoir livré un album tout à fait représentatif de l'ère moderne ; de la Bass qui claque passé à la Trap de ta caisse, des punchlines façon SMS pour donner l'illusion, tout dans le paraître, le forme sans le fond… franchement, que demande le peuple ? Si Booba est bien le Boss d'une chose, c'est de cette ère du vide que nous sommes en train de traverser, un trou D.U.C en quelques sortes (ce n'est pas de moi, mais c'était tellement facile et tentant).
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