Cagoulé Barbu
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le 30 janv. 2022
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Après Château Noir, réédition luxueuse du très médiocre 2.7.0 en 2021, SVR en 2022, Kaaris revient avec un opus solo long de dix-sept titres en cette toute fin d'année alors que tout le monde n'attend que les deux Bercy pour célébrer les dix ans de son classique intemporel : Or Noir.
Dans ce contexte particulièrement peu enclin à laisser de la visibilité à un nouveau projet, Kaaris et ses équipes décident de balancer un album ce 15 décembre en espérant que les choses se passent bien, que le projet ait assez d'oxygène pour exister commercialement dans une période saturée, où les seuls sons de Kaaris qui ont une dynamique sont tous de la sainte année 2013.
Maintenant qu'on a dit ça, on peut se pencher sur cette année 2023 : 6 singles non affiliés à un album au cours de l'année, le Talsadoum a été généreux, quitte à fatiguer un peu tout le monde avant que n'arrive le plat de résistance. Double K, Une Autre, Borz n'ont guère été convaincants, mais Le Roi des Ombres, Pena Duro et Rorschach s'avéraient plus enthousiasmant, de même que le premier extrait de l'album : Mobalpa.
Quand le projet complet arrive, j'ai personnellement un peu peur, après une année aux performances contrastées, de nombreux événements personnels ayant pu perturbés le MC, on pouvait s'attendre à un album inintéressant, un peu générique, médiocre et opportuniste pour surfer sur la vague de hype d'Or Noir.
Mes craintes s'éclipsent heureusement lorsque j'entends l'intro du projet : "dans la fusée" est en effet une ouverture agressive, diablement efficace. Avec Therapy et Flem à la production, Kaaris offre une belle performance histoire de rappeler qu'à 43 ans, le bougre a encore du souffle et de l'énergie, même si à nouveau, la plume n'est plus aussi flamboyante, mais on s'y est fait.
Toujours est-il que cette ouverture réussie et brutale est suivi de deux titres qualitatifs : "Pangara" où Koba arrive à épouser l'atmosphère noire et malsaine et l'instrumental et un "Tu parles un peu trop" où Kaaris montre qu'il a bien digéré la drill et sait confortablement découper la production.
Ces trois sons, sur le même créneau de "rap hardcore", ne sont pas les seuls du projet, mais quand on fait le compte, on est surpris de constater qu'ils ne forment pas la majorité de l'album. On pourra ajouter "Automatic" avec SCH, "Fuck la vie d'avant" avec Kerchak, "Mobalpa", "War" et "Gros Salaire", si on est tolérant, on peut citer Mirador, mais ce dernier est caractéristique de cet album : Kaaris y rappe beaucoup, dans chaque morceau même, mais il passe son ton à travailler aussi le chant, la mélodie, ce qui confère à Day One une couleur assez particulière, à la croisée d'O.G, d'Or Noir Part III, mais l'équilibre est ici davantage à la découpe mélodique, plutôt que des tentatives d'ouvertures inaudibles qui caractérisent certains sons des deux albums pré-cités.
Je vais rentrer un peu plus dans le détail de ce sentiment : Mirador, l'un de mes morceaux préférés de l'album, loin d'être un exercice d'écriture complexe, ou même de performance de découpe frénétique, l'usage de l'autotune rappelle beaucoup l'infect "2 Bigos" d'O.G, mais ici, instrumental et flow sont beaucoup mieux calibrés pour la tentative et le morceau dégage un côté sacrément catchy et original. Kaaris a déjà tenté ce créneau, mais il le réussit, c'est un sacré son, mais je doute qu'il convainque largement, un peu comme le tristement oublié "Détails" D'Or Noir Part III.
Autre morceau plus mélodique et mélancolique cette fois : "Celtics". Ici, on a le droit à quelques notes de piano claires qui illuminent une production rythmée où Kaaris s'amuse à chantonner sur un refrain accrocheur mis en valeur par des couplets rappés efficacement et des backs énergiques. Le morceau arrive à être simultannément clair, plutôt hardcore dans le texte (enfin, hardcore pour du Kaaris post O.G hein) et dynamique. Sacrée belle surprise.
Des surprises, y en a d'ailleurs pas mal d'autres. "Benef", 4 minutes de chantonnade et de rap mélodique sur une production claire avec des backs à base de fredonnement. La description rappelle les heures les plus sombres de Dozo, mais le résultat est très cool, très équilibré, pas loin d'évoquer l'atmosphère mélancolique du superbe "Gun Salute" d'Or Noir III. Alors évidemment, ce n'est pas au niveau du dernier vrai tube de Kaaris, mais ça reste très, très sympa.
War est aussi une belle pioche, plus rappé, plus énergique, mais le refrain en "marmonnement rapide" passe particulièrement bien et rappelle aux oreilles qui ont été attentive à SVR que Kaaris avait déjà essayait ce style sur "Tous les Jours", et je trouve qu'ici, on transforme l'essai.
Je pourrais faire une liste des autres morceaux qui m'ont plu, mais je préfère lister ceux que j'ai trouvé "sans plus" : "Hé Bélébé" me rappelle un peu trop l'époque Dozo, "Gros Salaire" est clairement un morceau moyen de "rap hardcore" où Kaaris manque de créativité sur son flow, alors qu'il s'avère affuter sur le reste du projet. Enfin, je suis peu convaincu par le morceau introspectif qui conclue l'album "Tête Brûlée", et en parlant d'introspectif, je trouve "Le Prix de la Réussite" sympa, mais sans plus, convenablement écrit, mais j'ai préféré cette année, sur un créneau similaire, le morceau du "Roi des Ombres".
Mon avis sur les feats ? Ils sont tous plutôt bons, mention spéciale à Koba et SCH qui offrent des performances sympathiques, mais je ne suis pas client de la voix d'Hamza, que je trouve assez insupportable, et je pense aussi que Kerchak aurait dû apprendre à articuler avant de rapper (ça n'empêche pas le morceau d'être sympa).
Généralement, vous l'avez compris, j'aime bien ce projet, c'est varié, pleins de tentatives, à la croisée de plusieurs influences qui accouchent d'un album choral bien équilibré, qui brille par les flow multiples de Kaaris, les instrumentales excellentes, mais souffre d'une plume en berne et de l'absence d'un "morceau vitrine" qui permet à l'ensemble de s'élever. C'est con, mais même en dehors de toute considération commerciale, il manque ici un "Gun Salute", un "Apocalypse" ou même un "Château Noir" pour illustrer à un auditeur étranger à l'univers de cet album un avant goût du projet.
Day One est donc un bon album, qui continue et confirme la bonne tendance chez Kaaris depuis Château Noir et arrive à exister sans chercher à être absolument un "retour aux sources" que Kaaris n'est tout simplement pas capable de proposer, et s'évertuer à vouloir accomplir un "nouvel Or Noir" est une impasse créative mortelle. Là, Day One, c'est un peu de tout ce qu'a fait Kaaris dans sa carrière, et sa ouvre des nouvelles portes, certains reprocheront à l'album de faire beaucoup de choses, mais je lui trouve une belle cohérence musicale, les instrumentales ont des sonorités similaires malgré la variété de beatmakers, et en rappant sur chaque morceau, Kaaris arrive à faire tenir le projet de bout en bout.
Belle surprise, en somme.
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Créée
le 17 déc. 2023
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