13 éme album d'Hubert Felix Thiefaine, Défloration 13 tombe un peu comme un présage de mauvaise augure.
Cet album déroutant est pour le moins étrange. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un mauvais album mais très certainement celui que j'ai le moins bien compris.
Tout d'abord, ce sont des sonorités assez étranges qui l'entourent, une guitare saturée, une voix transformée, blafarde comme si les morceaux sortaient d'un caveau brumeux et malsain. « Déconseillé aux personnes souffrant de crispations cérébrales » cette Défloration est pour le moins surprenante et rugueuse.
Je n'ai rien compris à « Touquet Juillet 1925 » ni à « Also Sprache Winnie l'Ourson ». Ces chansons sont énigmatiques pour moi, tant sur le plan des paroles que celui de la musique. On croirait Also Sparch sorti d'une presse hydraulique chanté par un rappeur amateur dépassé. J'avoue que j'accroche pas trop.
« Tu es fiché sur le fichier qui fait chier les fauchés échauffés et les chattes échaudées »
Autre étrangeté, « une ambulance pour Elmo Lewis »(fondateur des Rolling Stones) qui ouvre l'album sur une chanson planante qui doit sûrement évoquer une hospitalisation ou peut-être une tentative de suicide avec son étrange « lady black out » qui « jongle avec nos veines meurtries ». Je suis pas sûr qu'il y ait réellement du sens dans tout ça.
J'ai bien aimé « Quand la banlieue descendra de la ville », sorte de révolution prophétisée d'un peuple du bas de la société qui viendrait tout foutre en l'air dans la haute.
« La rue s’effondre et le peuple se lève »
Ce sont des thématiques assez inhabituelles chez HFT et sous son rythme embrumé, cette chanson est plus un message d'espoir qu'autre chose, pour « le grand Basta des Rasta ». C'est un théme qui me parle et j'aime bien voir Thiéfaine l'aborder, lui qui a plutôt tendance à fuir le monde des humains.
Mais cet album contient également de chouettes références dissimulées dans une part d'ombre maléfique à travers Roots et Déroutes + croisement. Cet chanson parle des légendaires artistes du Jazz et du blues (Robert Jonhson, Willie Dixon, John Lee Hooker...). Ces génies de la guitare avaient, selon les croyances radicales chrétiennes vendus leur âme au diable au détour d'un carrefour lors d'une nuit noire. Thiéfaine joue de ces croyances en avouant être lui aussi « l'homme qui attends » le Diable.
« J'entends le vent
Sur mon contrat
Le Blues résonne
Une Ford aboie
Et je vois devant moi
Le Diable en personne... »
(Voici une liste qui recense une partie de ses chansons et croyances :
http://www.senscritique.com/liste/La_musique_du_Diable/162817 )
Avec sa couverture et son magnifique livret, cet album, recouvert des peintures orangées de Charles Belle ( http://www.charlesbelle.com/fr-accueil.html ) est un hommage au peintre. La magnifique chanson « Camélia : Huile sur toile » est un vibrant hommage d'un artiste des mots à un virtuose des pinceaux. Thiéfaine signe ici une des plus belles chansons de l'album :
« Errance au milieu de la nuit
Dans un brouillard vertigineux
sur un port au bout de l'ennui
Aux longs dédales mystérieux »
Je ne pourrais conclure cette laborieuse critique (ouais, j'ai du mal à l'écrire celle-là) sans vous parler de ma chanson coup de cœur : Les Fastes de la solitude.
Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'à la première écoute même si j'avais été globalement déçu par cet album, Les Fastes de la solitude ne m'avait pas plus marqué que ça. 11 éme et dernière chanson, je me suis dernièrement replongé dans l'album et même si globalement mon sentiment sur Défloration 13 reste le même, Les Fastes de la Solitude m'a littéralement scotché, ou plutôt emporté. Cette chanson s'écoule comme un rêve qui ne voudrait pas s'arrêter. Une succession d'images étranges et incohérentes aux couleurs chaudes empruntent de mythes et de légendes.
« Joseph d'Arimathie et Uther Pendragon
Chevauchent de vieilles juments au bord de l'extinction
Tandis que Mélusine aux longs cheveux défait
T'organise une partie dans la brume des marais. »
Cet album est un peu un frère étranger sur la planète Thiéfaine. Nous ne sommes pas en terrain totalement inconnu pourtant nous nous perdons souvent dans un brouillard opaque. Les sonorités sont surprenantes, peut- être un peu trop pour être réellement envoûtantes. Les afficonados aimeront, les autres...
A ne pas mettre entre toute les mains.