Besoin obsessionnel de reprimariser le monde. Fantasme d’ensauvager les bâtards oubliés de l’Amérique. Asphyxier les structures à la virilité toxique. Déchiqueter les systèmes. affranchir ces désirs trop longtemps tus. Laisser s’épanouir les fleurs.
Une fureur native nous soulève de la boue, guide nos cris à travers ces régions affligées. La puissance des mots s’agrippe aux silhouettes, apporte un substrat de colère dans l’air inengagé, assoupi sous les petits deuils et les grands calvaires. Nous sommes Ragana, prêtresses indomptées des temps désarticulés, et nous offrons au mâle absolu une fiole aux pétales empoisonnées. Le nectar inoculé amplifie la conscience et défie le mal en dedans. Desolation’s Flower.
We live in the light of the burning world
L’anarchique lampée promet de terribles spasmes, les préjugés s’écorneront dans de squameuses agonies. L’abrasion des guitares, les peaux tendues des toms qui n’offrent aucune prise : la chute dans un anarcho-féminisme est distinctement proférée, sans honte, avec cette subtilité dévastatrice qui scelle les militances (« Desolation’s Flower »). Le goût du sacrifice, la défense de la différence ont toujours vécu en nous. L’oracle Thou a gravé nos combats dans l’écorce des âges, alors que nos noms étaient effacés des stupeurs alentours (Let Our Names Be Forgotten, 2018). Loyales à nos batailles, nous soufflons nos hymnes sur les charbons désespérés d’un feu funeste, sombre comme le bistre qui a noyé le cœur des Hommes. Le territoire est lui aussi profané dans son entier crépuscule, nous conspuons cette Amérique des inégalités abyssales, qui a porté l’éclipse de nos dignités - « DTA », Death to America.
May we find shelter
De la noire décoction s’échappe pourtant des senteurs plus délectables, et lorsque les épines désertent le chant, que la voix se déploie dans une complainte poétique, que les lames se font corolles, c’est alors l’entière harmonie d’une nature nimbée de mystères qui ressurgit soudainement, avec la clarté d’un amour antique, reliant les espèces, dépassant les balafres de l’histoire, colmatant les brèches des non-vécus (« Ruins », « In the Light of the Burning World »). Dans ces trouées de lumière, on se cache derrière les pans d’un mur effondré pour pleurer, mais un sourire désagrège un instant le désespoir et la fureur. Nous nous trouvons alors en plein dans ce que nous recherchions avec une implication d’amazones : un foyer dans les vestiges.
Chronique parue dans Obscur Vol 1 - suivez le lien et soutenez-nous sur https://www.instagram.com/obscur_mag