Alice in chains est l'un des groupes majeurs des années 90...l'un des quatre plus grands groupes de grunge avec Nirvana, Pearl jam, et Soundgarden... Pourtant, lorsque l'on lit une chronique sur Alice in chains, il n'est pas rare de retrouver des fans du groupe en train de "défendre" alice l'enchaînée en prétendant qu'elle n'a de grunge que la situation géographique, que tout ceci sonne bien plus "metal" que grunge, et que Nirvana c'est de la merde faite par des sous-musiciens qui ne devrait donc même pas être comparée à la divine musique d'Alice in chains.
Evidemment, il faut être un peu couillon pour soutenir de telles inepties (surtout concernant Nirvana mais bon c'est un autre débat...). Si Alice in chains n'a, effectivement, pas la couleur "punk" d'un Nirvana il n'en partage pas moins avec ce dernier une hargne et une puissance commune, sans parler du chant plaintif, de la forte présence de mi-tempos, des thèmes communs, du son de guitare gras, et de certaines ressemblances vocales entre les deux chanteurs (indépendamment du fait que le chant de Layne Staley soit plus "technique"). La ressemblance entre Alice in chains et le reste de la scène grunge n'est donc pas seulement géographique et vestimentaire. Mais évidemment, ne soyons pas de mauvaise foi car Alice in chains possède tout de même de nombreux atouts musicaux, qui pour la plupart, les rapprochent plus du "doom" à proprement parler que du heavy ou du seul grunge. J'en veux pour preuve ce "Rain when i die" dont la lenteur, la lourdeur, et le riff rampant et implacable est un parfait exemple du son du groupe en règle générale...et les montées en puissance du chanteur sur les refrains sont à vous glacer le sang d'ailleurs!
Après un "Facelift" très bon mais un peu inégal, le groupe décide en pleine apogée grunge donc, de livrer THE album de sa carrière. Enfin, on pourrait en débattre tant les albums de ce groupe (jusqu'à la mort de Layne Staley) sont tous aussi majestueux les-uns que les-autres...mais le fait est que l'Histoire (et la critique) a davantage retenu cet album que celui (pourtant excellent) du chien à trois pattes par exemple. Tout commence avec un "Them bones" mortel (dans tous les sens du terme) sur lequel le groupe fait preuve d'une violence assez vertigineuse tout en étant incroyablement maîtrisée...les cris de rage du chanteur sont alternés par des riffs puissants faisant trembler les murs. La thématique du morceau n'a rien de légère puisqu'il s'agit de mourir seul et de se retrouver empilé sous un tas d'os de personnes "anonymes" (le lot de tous ceux ayant droit à la fosse commune quoi!) : je vous conseille d'écouter ça en été c'est très "rafraîchissant" dans tous les sens du terme! La mort est un thème de prédilection qui sera souvent exploité par le groupe quand il ne s'agit pas simplement de la drogue et de l'addiction...ce qui est assez triste quand on sait que le malheureux chanteur après avoir perdu sa copine junkie sombrera dans la dépression et la solitude avant de la rejoindre suite à une overdose.
Parlons-en du chanteur d'ailleurs! Parce que si les trois autres ne sont pas des manches, et si Jerry Cantrell est sans doute un des meilleurs guitaristes des années 90, c'est incontestablement Layne Staley qui donnait son âme au groupe...ses prouesses vocales étant tout simplement bluffantes! Qu'il s'agisse d'un "Sickman" alternant vélocité et chant lugubre et plaintif, ou d'un "Rooster" (sur l'absurdité de la guerre) menaçant et explosant sur des refrains exigeant des envolées vocales justes et puissantes, la voix du bonhomme surclasse toujours toute concurrence possible! Jerry Cantrell quant-à lui alterne murs du son, dissonances (toujours musicales, jamais pour faire du "bruit"), riffs élaborés, et solos mémorables sans jamais verser dans l'exercice de style (celui de "Them bones" est un de mes préférés tout artiste confondu)! Seuls les deux premiers morceaux (et un peu "Sickman") font montre d'une certaine "violence", le clou étant bien enfoncé avec un "Dam that river" surpuissant dont la hargne du chanteur sur les refrains et la lourdeur du riff de guitare ont de quoi créer des pogos de folie en concert! Le reste de l'album est dominé par des tempos lents : "Rain when i die", "Rooster", "Junkhead", "Dirt", et même le très inspiré "Angry chair". Vous l'aurez compris Alice in chains n'est pas un groupe "violent", privilégiant toujours la mélancolie insidieuse et la puissance comme moyens d'expressions plutôt que comme des prétextes au "headbang".
Alice in chains n'est donc pas un groupe qui "triche" ou cherche à tout prix à figurer en haut des charts...(ce qu'il parviendra pourtant à faire sur l'album suivant), et si tube il y a cela semble involontaire (comme sur ce "Would" épique de conclusion). En effet, la lourdeur et le caractère (il faut le dire) assez déprimant de la musique du groupe n'est pas forcément facile à digérer d'une traite si vous n'êtes pas familier avec ce genre d'univers, sans oublier que le groupe ne possède pas "l'évidence mélodique" d'un Nirvana...le groupe préférant les mélodies plus insidieuses qui mettent plus longtemps à faire leur chemin dans votre crâne mais qui finissent toujours par vous choper pour ne plus vous lâcher. Là où Nirvana privilégiait les rafales en ligne droite, Alice in chains préférait les missiles à têtes chercheuses...si on veut à tout prix utiliser une métaphore musicalo-guerrière. "Down in a hole" se situant en pré-conclusion est un magnifique exemple de mélodie soignée et élaborée au texte poignant...sur cette ballade le groupe tente d'exorciser les démons du chanteur...en vain...et c'est ce qui rend la tension dramatique autour de la musique du groupe d'autant plus vive!
Bref, pour un album emblématique du rock des années 90 proposant une musique authentique et de qualité...ne cherchez pas plus loin..."Dirt" est un album de choix...même si l'EP "Jar of flies" est plus facile à appréhender et digérer pour des oreilles non averties.