Dans ce nouvel album de Die Antwoord, il y a beaucoup de choses. Et c'était intéressant de le découvrir, puisque pour une fois, j'ai dû me plonger dans le disque sans support visuel : assez déçu par les clips réalisés par Ninja avant la sortie, manquant à mon goût d'audace et très léchés, j'ai préféré me visser un casque studio sur la tête et tourner dans mon fauteuil en écoutant les titres les uns après les autres, plutôt que de me plonger dans l'univers visuel, moins excitant qu'auparavant. Mon avis ? Un excellent choix pour aborder cet album, relevant donc d'une approche radicalement différente.
Donker Mag est résolument musical, et compense la folie rythmique des premiers albums (du premier album, surtout) par une recherche mélodique et un travail sur l'ambiance assez fous. Pas étonnant d'ailleurs qu'ils aient collaboré avec une référence en matière d'ambiance musicale, Aphex Twin.
Cookie Thumper m'avait beaucoup plu à l'écoute lors de la sortie du clip, mais je regrettais de ne pas entendre Ninja et sa technique vocale. Pitbull Terrier ne m'a pas du tout rassasié, car même si j'ai développé une certaine sympathie pour le morceau, je ne me retrouvais que dans la petite voix de Yo-Landi, et n'accrochais pas au ton de Ninja. Bilan, peu avant la sortie de l'album : J'EN VEUX D'AVANTAGE !
Puis Ugly Boy est sorti, je n'ai pas aimé le clip, mais j'ai adoré la track. Ils s'y sont bien pris les salauds, avec ce sursaut de Die Antwoordite, cet état très spécial de rêverie dans lequel je me trouve en écoutant un de leurs morceaux, j'étais fin prêt pour Donker Mag.
Il m'a fallu trois écoutes complètes (d'affilée, puisque j'étais au taf) avant de commencer à me l'approprier. Et, comme d'habitude, les tracks qui me dérangeaient un peu au début se sont avérées être mes favorites (à l'exception de Strunk, qui l'était dès le début !) : Rat Trap 666 est un chef-d’œuvre incontournable, qui m'a amené à découvrir la trap pour me persuader très rapidement que ce morceau en était l'apothéose. Une instru lente, lourde et légère à la fois grâce aux snares rebondissants, une technique de chant vraiment somptueuse, adepte du "Less is More" et executée avec brio par Ninja ET Yo-Landi.
Happy Go Sucky Fucky jette vos bras en l'air avant que vous ne l'ayez réalisé. Un morceau punk électro, l'impression de me retrouver à Berlin dans les années 80. L'alteration de la voix d'une Yo-Landi super remontée et d'un ninja dédaigneux, semblant raper le cul posé sur un trône fonctionne très bien, et on se surprend à reprendre en cœur un petit "Fuck your rules" plus d'une fois.
Je ne vais pas détailler tous les morceaux, et chacun se fera bien sûr son opinion. D'ailleurs "Girl I Want 2 Eat U", "I Don't Dwank", "Sex" et "Donker Mag" ne s'écoutent jamais deux fois de la même façon, et se révèlent tour à tour bons, excellents, curieux, déroutants. L'instru minimaliste de "Sex" offre par exemple à son auditeur de fermer les yeux, bras croisés derrière la tête, mais cultive en secret pendant tout le morceau une certaine excitation, qui grandit et grandit pour pouvoir exploser... en miettes, puisque juste après, Ô miracle, surprise géniale, surgit "Moon Love", en version modifiée par rapport à la track originale présente sur l'excellent "Good Morning South Africa" de MaxNormal. Génie pur, que de passer de l'image Gainsbard + Yo-Landi + plage + chaleur à celle de la gamine de Tudor Jones expliquant que son cœur lui fait souffrir. Et puis, l'apparition de ce morceau, l'introduction dans la saga Die Antwoord de la voix chantée de Ninja qui m'a tant fait planer sur ses précédents projets, rappelle que Die Antwoord n'oublie pas son amour pour la musique, et que si le groupe explore son propre univers musical, il ne fait jamais que partie d'une véritable galaxie de pistes à explorer. Yummy !
Je veux finir par parler de Strunk. Ce morceau me jette en arrière comme un bouquin de J. Steinbeck. Il me réchauffe le cœur comme un cassoulet toulousain. Il me transporte comme un Stalker, me berce comme un Dinosaur Jr, me prend par la main comme Petit Ours Brun et me grattouille le cou comme un chat de deux mois. Et je m'en suis voulu ! L'instru est la chose la plus stupide qui soit, les paroles ne sont pas folles... C'est ce démon de Yo-Landi et sa petite voix qui m'envoient au septième ciel. C'est presque indécent, de chuchoter de la sorte dans l'oreille d'un type coincé au bureau. Mais diable, c'est tellement bon !
Encore un très bon album. Une seule déception : Raging Zef Boner. Même si le morceau se laisse écouter, l'instru ne colle pas avec l'album, et malgré l'agréable dédicace à Minus et Cortex, le morceau ne prend pas vraiment.
Les skits ! Toujours efficaces, incongrus, mignons (comment diable fais-je pour écouter Yo-Landi rire bêtement pendant 30 secondes ?), marrants (le skit lors duquel Hi-Tek engueule les deux autres parce qu'ils ruinent son tapis avec leurs cendres pendant que Yo-Landi, déchirée, se plaint d'une pétasse et que Ninja essaye désespérément d'en placer une m'a tué!) et bien placés.
Zut j'avais dit que je finirais en parlant de Strunk. Vous ai-je dit que ce morceau était doux ?
