Earl Sweatshirt est le genre d’artiste que l’on découvre comme un acte manqué. L’occasion avec son nouvel album Doris de faire marche arrière et de découvrir un rap rare et feutré, encore marqué par l’adolescence. L’age et le talent n’ont rien à voir, mais tout de même ; Earl n’a que 19 ans.
Earl est doté d’une voix grave qui suinte l’expérience de la vie. Pincé, avec des rames de retard, mais capable de se transformer en un flow nerveux. Earl a le « niggas » facile, comme souvent ; mais il installe son style avec aisance, sans mise en scène exagérée, d’une manière lente et précise, presque neurasthénique. Comme à travers un free-style, les instrus se font discrètes et l’on adhère à la présence d’une batterie qui suffit amplement à se passer des habituels beats marqués. Des échos de bidonville qui ajoutent une profondeur effrayante où l’on peut presque voir naître des maisons hantées. Les vieux fantômes refont nostalgiquement surface ; remercions le temps qui passe. Toujours d’une manière lointaine, les cuivres se mêlent parfois aux percussions, les synthés tiennent leur place et l’on remarque les influences multiples de l’artiste. Earl choisit de s’axer sur une ambiance pesante, lourde et incessante. Un vrai parc d’attraction dévasté que les featuring sont loin de raviver. Il force sur les textes soutenus dans des instrus noires et poussiéreuses, presque minimalistes.
Heureusement, » Molasses » et ses samples incroyables nous éjecte de cette torpeur. Bien que les loops fassent le plus gros du travail, sans grande particularité, on apprécie d’entrevoir un raie de lumière dans les dérives sombres de Doris. Une légèreté qui s’achève vite mais dont l’ambiance et les textes auront suffit à nous éveiller un peu. Earl Sweatshirt s’inscrit dans une liste de rappeurs à suivre, le genre que l’on croise peu, le flow qui mérite d’être ; surtout tard le soir lorsque les lumières s’éteignent.