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Drive: Original Motion Picture Soundtrack (OST) par François Lam

L’intérêt d’écouter une bande originale après avoir vu un film est multiple. On peut d’abord en apprécier le goût de madeleine : une mélodie nous rappelle un événement précis ou plus largement l’ambiance du film en question. On peut aussi vibrer pour ses qualités musicales intrinsèques, par exemple la beauté de ses thèmes, quand ils se suffisent à eux-mêmes. Or, si on s’en tient à ces deux éléments, on se rend compte que le duo Symmetry a joué le jeu à l’envers : ils ont composé la B.O. d’un film qui n’existe pas (Themes for an Imaginary Film est le titre explicite de l’album) ; et ils sont parvenus, sans images filmiques sur lesquelles s’appuyer, à créer un disque beaucoup plus excitant que celui de Cliff Martinez, compositeur de la bande originale du film Drive. Tentative d’explication de ce constat troublant.

Les deux hommes derrière le projet Symmetry, Johnny Jewel et Nat Walker, ont réussi à développer, en créant la toile sonore d’un film qu’ils semblent avoir mis en scène dans leurs têtes, des atmosphères si saisissantes qu’elles conduisent l’auditeur à créer ses propres images de cinéma. C’est le moins que l’on pouvait attendre d’un tel projet au vu de son titre bien sûr, mais il revêt ceci de particulièrement intéressant qu’il détourne la notion de souvenir (la séquence de cinéma) vers un autre type de schéma cognitif. Finalement, Themes for an Imaginary Film c’est un peu la B.O. d’un film dont on est le propre réalisateur. Il existe certainement autant d’Imaginary Films que d’auditeurs : à nous de décider ce que l’on veut associer comme image(s) aux différentes chansons, même si certaines d’entre elles sont très typées. Ainsi, « Over the Edge » évoque ouvertement une course poursuite et « Midnight Sun » une rencontre amoureuse. Quand «The Maze» appelle plutôt un passage morbide, « A Sort of Homecoming » une scène plus intimiste et « Mind Games » la contemplation. Les deux compositeurs ont écrit pas moins de trente six titres (!), tous racés, puissamment évocateurs et bien distincts les uns des autres. C’est une œuvre colossale, sans doute trop longue, car elle demande beaucoup de concentration si l’on se prête au jeu de rôle assez jouissif du réalisateur/scénariste en herbe. Mais si on la compare à Drive OST, écrite par Cliff Martinez, c’est un sacré pied de nez.

Drive OST construit au fur et à mesure de sa progression sa propre prison, qui n’est autre que le film lui-même. La musique soutient admirablement le film de Nicolas Winding Refn pendant la projection, c’est un fait : les partitions de Martinez sont anxiogènes, aériennes et soulignent parfaitement l’ambiance très particulière du film. Mais elles ne franchissent pas les portes des salles sombres. Seules, dépourvues des visions qu’elles soutiennent, elles nes’écoutent que comme un disque d’electro ambient très redondant. Et ce mimétisme entre les chansons crée une limite. Car si l’on parvient bien, le temps de quelques titres, à retrouver le climat de Drive, très vite ce sentiment laisse place à l’ennui. Autrement dit, Drive OST aurait peut-être gagné à être plus court, ou à jouer sur un équilibre entre la bande originale de Martinez et les quelques chansons (seulement) qui constituent la bande sonore. Sans doute car celles-ci sont diablement efficaces en matière de réminiscences. « A Real Hero » des français College, par exemple : immédiatement, la ballade en voiture, véritable bouffée d’air du film, s’invite devant nos yeux. Et sa mélodie sucrée sied merveilleusement bien à l’esthétique pop de Drive. En quatre minutes, un seul morceau parvient presque à faire oublier les quatorze pièces de Martinez.

Pour autant le travail de ce dernier est loin d’être déshonorant. Drive OST est un élément prépondérant du film, au même titre que la réalisation très stylisée de Refn, et c’est déjà un petit exploit. Sa mission première est donc accomplie et ce n’est pas une gageure. Il est en effet plus aisé de comptabiliser les films dans lesquels la musique nous a marqués que ceux où elle nous a paru au mieux transparente, au pire (et c’est malheureusement souvent le cas, même dans de très bonnes productions) pompière, voire carrément ringarde ! Mais on peut aussi se montrer plus admiratif devant ces Themes for an Imaginary Film concoctés par Symmetry, du fait qu’ils stimulent différemment le cerveau de l’auditeur en lui offrant les clés de multiples petits rêves éveillés. C’est une expérience unique et vivifiante.


Francois-Corda
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le 11 juin 2024

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François Lam

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