Drones de drame
Nul ne sait aujourd'hui exactement sur quelle planète Matt Bellamy a atterri, mais une chose est sûre: l'air y est vicié. Septième album du trio du Devon Drones est un petit exploit, pas celui qu'on...
le 8 juin 2015
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Décidément, je n'arrive pas à ne pas aimer Muse. Aujourd'hui encore, j'ai lancé la lecture aléatoire, passant d'Explorers à Assassin, d'Hysteria à Hyper Music, de Sunburn à Exogenesis. Si j'aime ce groupe plus que tout, c'est principalement parce qu'il touche un peu à tout depuis Black Holes & Revelations, en ayant avant cela proposé trois excellents albums rocks. Et je l'aime d'autant plus que depuis quelques années c'est devenu très hype de les dénigrer et de les critiquer.
Je me garderai pour le moment de dire que Drones est "meilleur que" ou "moins bon que" un des ces prédécesseurs, et d'ailleurs la note attribuée pourra largement changer d'ici quelques mois, tout comme celle attribuée aux morceaux.
Muse a évolué. Définitivement. Il va falloir que vous vous rentriez ça dans la tête. Drones n'est pas un Absolution ou un OOS bis, et c'est tant mieux : pourquoi les fans désirent-ils tant une redite d'un album quasiment parfait comme Origin Of Symmetry ?
J'ai l'impression que le début de l'album est une petite rétrospective de ce qu'ils ont fait dans leurs albums précédents : les premières notes de Dead Inside et sa partie de batterie rappellent Madness (et feront fuir les allergiques à T2L) ; Psycho a un goût de The Resistance, et il est à préciser que si le riff de guitare est celui joué depuis des années en concerts, c'est que Dominic Howard insistait pour que Matthew en fasse un morceau depuis pas mal de temps ; Mercy pourrait sans problème remplacer Starlight - à laquelle elle ressemble beaucoup - dans un épisode de Twilight... Cette chanson me fait l'effet d'un énorme gâchis : l'introduction est plutôt sympa pour n'importe qui appréciant la pop, mais le refrain est vraiment faible, et encore j'utilise un euphémisme parce que c'est Muse (sans compter les paroles niaises...). Par contre les chœurs sont TELLEMENT musesques.
Ensuite les choses sérieuses commencent. Reapers est un véritable orgasme, tout le monde s'est fait plaisir en studio pour accoucher de six minutes de folie. Il y a un peu de RATM dans la rythmique et évidemment c'est un point positif. Le solo en double tapping est juste bandant. A noter les petites voix rajoutées sur le refrain qui sont vraiment sympa pour une fois. C'est mon gros coup de cœur de l'album.
The Handler est bien lourde, pachydermique même, avec une ligne de basse très intéressante et un solo un peu électro à la Take a Bow grisant. D'ailleurs contrairement à The 2nd Law, les parties instrumentales de la plupart des morceaux ont été travaillées et valent le coup. Particulièrement les parties de basses : Chris peut vraiment faire les choses bien quand il veut. Celle-là, j’ai mis deux/trois écoutes à l’apprécier mais elle vaut le détour.
Defector est un peu dans la même veine, avec des chœurs qui feraient penser que Queen s'est mis au hard rock.
Et puis là, boum, le fou-rire : Revolt. Non mais Matthew, tu t'es pris pour qui là, Robbie Williams, Mika ? Non mais sérieusement. Les mêmes envolées lyriques, la même atmosphère musicale que Life In Cartoon Motion... C'est le premier truc auquel j'ai pensé quand je l'ai écoutée. Bon c'est sûr il n'a pas la même tessiture de voix, ce qui est assez difficile en fait. Toujours est-il que ça fait vraiment bizarre après les trois morceaux précédents, un peu comme le gars que personne aime dans la classe que tu te sens obligé d'inviter à ta fête à la fin de l'année. Soyons honnêtes, la chanson en elle-même n'est pas inaudible, mais qu'est-ce que ça fait dans cet album précis, par ce groupe précis ? Et puis les paroles encore une fois... C'est le point vraiment décevant dans Drones : les paroles ne sont pas à la hauteur du sujet abordé. Surtout ce genre de sujet, il aurait fallu des paroles bien plus percutantes, engagées, qui dénoncent ; là ça me paraît un peu vite torché. Mais à bien y réfléchir, la plupart des morceaux de Muse n'ont pas de paroles transcendantes ; Matt devrait peut-être faire appel à Alex Turner un de ces jours.
On se ressaisit avec Aftermath, qui est à 85% Dire Straitesque. Il y a la même ambiance que dans Brother In Arms, la même guitare aérienne que celle de Knopfler, la même basse simple et efficace... Un morceau agréable et reposant. Ça m'a donné envie de réécouter Private Investigations tiens.
Vient ensuite le mastodonte, la pièce maîtresse, le chef-d’œuvre - bref à en croire les dires du groupes, une ballade monstrueuse de dix minutes. The Globalist m'évoque Telegraph Road alors qu'il n'y a pas de ressemblance entre les deux morceaux ; sans doute l'influence d'Aftermath entendue juste avant. Trois parties vraiment différentes : une première dans laquelle on retrouve l'ambiance western de Knights of Cydonia, avec quasiment la même batterie répétitive que dans Invincible. On enchaine avec une partie bien musclée dans laquelle la guitare est bien saturée et la basse qui suit, avec toujours ces chœurs un je-ne-sais-quoi bibliques. Et on finit par un piano/voix comme Muse sait les faire. C'est le morceau sur lequel je plaçais le plus d'attentes, autour duquel il y a eu un énorme battage et du coup j'ai été quelque peu déçu : je voyais déjà un truc épique à la Metallica, et c'est dommage que la deuxième partie ne soit pas plus développée. Par contre étonnement, je n'ai vraiment pas l'impression que le morceau dure dix minutes ; ça doit être l'habitude.
L'album se finit - en beauté - par Drones, qui est un gros délire a capella composé de plusieurs voix superposées. Si ce n'est pas le meilleur morceau de l'album, c'en est pour moi la plus grosse et la plus agréable surprise. C'est radicalement différent de ce qu'on a pu entendre dans n'importe lequel des sept albums du groupe. De plus, le morceau bénéficie d'une très bonne production, comme tout le reste de l'album au passage : là où le groupe s'était à mon goût un peu fourvoyé en surproduisant The 2nd Law et en rendant certains morceaux inutilement pompeux, il a été très sage pour Drones, sans doute parce que cette fois il était "encadré" par un producteur ayant de l'expérience.
Alors oui, au début de ma critique j'avais dit que je ne positionnerai pas l'album par rapport aux autres, mais il me semble plus abouti que son aîné : s'il y a encore une fois pas mal d'expérimentation, les sonorités rock sont de retour. En réécoutant The 2nd Law juste après Drones, même les morceaux les plus “rock” de T2L paraissent bien faibles face aux nouvelles compositions. Et Mercy est beaucoup plus supportable que Follow Me, malgré ses défauts.
Je ne sais pas pourquoi, avec tout ce que j'ai lu et entendu au sujet de l'album, je m'attendais à des morceaux un peu dans le genre Apocalypse Please ou même Absolution en général, mais après tout ce n'est pas plus mal d'avoir quelque chose de tout à fait différent. Et tout ça aboutit sur un 8 de ma part. Dans sa globalité, Drones m'évoque fortement The Resistance, tant au niveau de la production que des parties instrumentales. Et encore une fois, le groupe enfonce de nouvelles portes et nous fait découvrir de nouveaux horizons musicaux.
Si beaucoup de gens ne le trouveront pas à la hauteur de leur espérances, cet album est réjouissant dans le sens où Muse renoue avec ses sonorités d’avant sans se plagier. Il y a indéniablement une volonté de faire des morceaux qui bougent ; en ce sens, on ne peut qu’espérer que les albums suivants soient dans cette lignée rock + expérimentation qui me convient parfaitement. Matt Bellamy est un homme talentueux qui a très bien compris qu'il ne fallait pas reproduire ce qu'on sait faire mais innover, ne pas chercher à faire demi-tour mais au contraire foncer de l'avant.
Muse est mort, vive Muse !
[Edit : -1, les paroles sont vraiment vraiment insuffisantes]
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Créée
le 4 juin 2015
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