Portishead est composé de 3 personnes: la chanteuse Beth Gibbons, l'échantillonneur / mixeur Geoff Barrow et le guitariste / bassiste Adrian Utley. Ensemble, ils ont créé une ode à la solitude. Au désespoir sombre, déprimant. Mais cela ne l'empêche pas d'être absolument magnifique dans tous les aspects possibles.
Cet album a participé à populariser un genre connu sous le nom de "Trip Hop". Venant de Bristol, il se caractérise par des rythmes hip-hop downtempo, des échantillons et des paysages sonores assez particuliers. Pour faire court, Massive Attack et Portishead sont les pionniers de ce genre qui connu beaucoup de dérivés et pas mal de clones, rarement pour le meilleur, souvent pour le pire.
Le premier album de Massive Attack, "Blue Lines" (1991) était une lettre d'amour à la soul, au funk et au dub à travers des sonorités hip hop et électro.
Cependant, "Dummy" (1994) avait choisit d'aller dans une direction complètement différente. Peut-être que Portishead a été inspiré par Massive Attack et ses réalisations, mais ils n'étaient certainement pas des imitateurs.
le premier album de Portishead présente peut-être l'ensemble de rythmes le plus douloureux, le plus élégant et le plus mystérieusement noir que vous pourriez entendre. Mis à part la voix saisissante de la chanteuse Beth Gibbons, la façon dont ces rythmes sont échantillonnés et travaillés les uns avec les autres est tout simplement émouvante, cinématographique et expressive.
Cet album est sexy comme l'enfer. S'il était une femme, il ferait tourner les têtes. Il vous emmène dans un voyage dans les ruelles sombres de la ville où les prostituées allument des cigarettes et se remémorent leurs rêves de réussite. La voix de Beth Gibbon vous envahit comme une vague lourde et vous aspire vers les abysses dans un mouvement de contre-courant. Vous êtes probablement en danger, mais vous êtes trop amoureux de son chant de sirène pour vous en soucier. Il projette une atmosphère incroyablement sombre tout en réussissant à rester séduisant. Gibbons aborde des sujets féminins assez personnels qui imposent le respect. Sa voix domine facilement ces onze titres. Elle s'élève rarement au-dessus d'un murmure ou d'un souffle, collant toujours très près de l'oreille. Gibbons chante ses paroles comme s'il s'agissait de secrets intimes qu'elle ose confier qu'à une seule personne, vous!
Au niveau sonore, le sentiment que le monde tout entier est en train de s'écrouler transpire à chaque seconde de "Dummy" :
Des mélanges méthodique de rythmes lents avec des mélodies flottantes pour créer des atmosphères troubles, des échantillons d'orchestre et de jazz qui rencontrent des lignes harmonieuses qui restent intenses malgré leur construction minimale, du groove tendre et de la Soul enflammée baignés dans une mélancolie dévastatrice.
Tout est captivant.
Il convient de noter la manière dont ces sons ont été créés, car Portishead produisait tous ces étranges sons numériques en enregistrant leur propre musique, en les plaçant sur des disques vinyle, puis en les manipulant pour échantillonner leur propre musique. Les résultats parlent d'eux-mêmes car cette manipulation inventive et inouïe du son rend ces chansons incroyablement détaillées et réfléchies. Aucune note ne semble déplacée, aucun échantillon ne fait tâche; tout existe simplement comme le monde le voudrait.
La plus grande force de "Dummy" réside dans son adhésion au modèle d'album classique: il y a 11 grands titres, absolument pas de remplissage. La palette musicale peut ne pas beaucoup changer d'une piste à l'autre, mais les chansons elles-mêmes sont variées et mémorables.
Voilà un album sensuel et angoissant à la fois qui vous prend presque au dépourvu. Comme si vous entendiez quelque chose que vous n'auriez pas dû entendre.
La musique ne pouvait pas être beaucoup plus intime.
10/10