Écailles de lune
7.5
Écailles de lune

Album de Alcest (2010)

La particularité d'Alcest relève avant tout de l'accidentel. Souvenirs fit remarquer le son du groupe à l'international, quand Écailles finit de prouver - en engendrant un certain succès d'estime durable - la capacité du groupe à proposer des disques sublimes tant qu'intelligemment construits. Tentons d'en rassembler les composantes : un univers visuel ultra marqué (avec ce sublime artwork de Fursy Teyssier) ; une proposition artistique singulière, alors originale ; une production éthérée (ici par Markus Stock d’Empyrium) laissant une magnifique place à la réverbération... tous les éléments sont réunis pour propulser Écailles au rang d'album culte, d'ores et déjà pièce maîtresse au sein des disques de la décennie. Et l’ensemble se tient, flambe d’un seul feu qui se balance au loin. L’ensemble se concilie, en montrant à l’auditeur, ainsi qu’un fidèle miroir, le reflet de ses propres émotions, comme son propre visage au-dessus de l’eau.


Aussi, il semble impossible de séparer la musique du groupe des paysages qu'elle créée. Les chansons d'Alcest sont éminemment visuelles, presque cinématographiques, avec parfois de discrètes orchestrations appuyant des mélodies à pleurer. Dès le duo de morceaux éponymes, on comprend toute la dualité à l'œuvre dans la musique du groupe. L'eau est parfois calme, se fait présence rassurante, avant que tempêtes et pluies viennent détruire cette vision idéale. Quelques vocalises sont bien souvent déchirées par des hurlements glaçants, absents du premier LP. Et pourtant on ne saurait nommer la nature du disque, qui n'est sûrement pas Black Metal, bien que l'opus ait longtemps été vu comme étant le plus sombre d'Alcest. Il s'agit d'opérer une juxtaposition presque paradoxale, génératrice d'une infinie curiosité, d'influences éminemment Black Metal, au service d'une musique qui s'en éloigne volontiers. Alors les chants passent d’un extrême à l’autre, semblant emprunter dans un élan grégorien parfois aux voix d’enfants comme aux cris de désespoir des damnés ; de l’infini des joies à l’ampleur des détresses.


Pourtant, Écailles n'aura eu de cesse, et c'est souvent la marque des grands disques, de nous accompagner partout : le soir en fermant les yeux, de jour dans les transports, en pleurant la fin des amours ou criant la joie d'être en vie. L’album s'avère la parfaite liaison entre mélodies touchantes, parfois entraînantes, et une musique plus progressive comme l'était Le Secret. Ce, comme pour mieux nous rappeler toute la subtilité des émotions les plus simples. Qu'une œuvre touche autant en plein cœur, de façon très viscérale, tout en forçant le respect face à tant de créativité, relève du coup de maître. Un album d'introverti, par quelqu'un qui semble alors avoir pourtant tant de choses à dire, mais qui trouve sa plus belle éloquence par la musique. Si le voyage se termine sur "l'océan couleur de fer", c'est comme pour mieux nous rappeler que les plus beaux rayons de soleil percent le ciel seulement après les plus violentes tempêtes. Joyeux 10ème anniversaire, Écailles de Lune.


Chronique publiée à l'origine pour Horns Up

chevaldeglace
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le 17 nov. 2020

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