Critique de Electro‐Shock Blues par pippoletsu
Quand la musique transcende la douleur, la noirceur, le chagrin, il reste 16 œuvres d'art, précieuses et fragiles pour tout raconter. Sans pathos, avec pudeur et mesure.
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le 20 déc. 2011
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"Life is hard, and so am I", telles sont les premières paroles jamais chantées par Eels. "Life is hard, but I am not" est ce qu'aurait pu chanter Elizabeth, sa soeur, la beautiful freak qui donnait son nom au premier album et qui se suicide au cours de l'année 1996. Puisqu'un tel événement n'est pas assez, la vie s'acharne sur Mark Olivier Everett : dans le même temps, plusieurs amis décèdent et sa mère se retrouve diagnostiquée avec un cancer en phase terminale. Pour survivre à ces événements, il plonge dans la musique et en sort ce deuxième album : Electro-shock Blues.
Ce dernier s'ouvre sur ce qu'on suppose être la lettre de suicide d'Elizabeth, chantée sur un rythme doux et triste, les mots durs de la jeune fille touchent directement l'écouteur au coeur. Les premières chansons de l'album (à peu près jusqu'à la chanson éponyme) sont d'une noirceur dont on ne croyait pas Eels capable, à base de riffs rocks et de bruitages hachés. Il y parle de funérailles et de folie proche, de cuisine hospitalière et encore et toujours de la mort, toujours plus proche. L'ambiance y est mortifère et même à la limite de l'insoutenable quand, avec des mots d'enfant, il nous explique dans Electro-shock blues, sur un rythme de piano magnifique : "Write down I am ok a hundred times the doctor said. I am ok. I am ok. I am ok. I'm not okay."
Tout est trop violent à ce moment là pour continuer. La folie, un temps envisagé (Efils' Good), est ensuite écarté avec l'arrivée de la deuxième partie, étonnamment reposée, de Going to your funeral. On comprend assez vite que Mark Olivier Emerett tente de surmonter là sa peine. Et le chemin accompli depuis le premier Going to your funeral est déjà énorme et impressionnant. Mais c'est encore pire quand arrive la première phrase de Last Stop: This town : "You're dead, but the world keeps spinning". Terriblement vrai mais ô combien difficile (impossible ?) à accepter ! Last Stop This Town, c'est le tube de cet album, à base d'emprunts hip-hop et d'une musique qui n'arrête jamais de me faire penser à un mélange entre Tim Burton et les Coen de The Big Lebowski (sans que je comprenne tout à fait pourquoi).
Les dernières chansons sont autant de merveilles posées là sur la voie de la guérison, avec des merveilles de songwritting quasi-indépassables : Climbing up to the moon, chef-d'oeuvre de beauté, où il raconte ses journées à l'hôpital avec sa mère et d'une certaine folie qui guettait ; Dead of Winter, encore plus déchirante de beauté. C'est pourtant The Medication is wearing off qui emporte la palme de la plus belle écriture, pour cette phrase d'une violence et d'une beauté extraordinaire : "See this watch she gave me, well it still ticks away."
Et enfin, Eels trouve enfin l'espoir et le courage. Après avoir affirmé qu'il "Hate a lot of things but I love a few things, and you are one of them" (Ant Farm), il conclue cet album de la plus belle des manières, avec cette superbe déclaration d'amour à sa soeur et à la vie. "I don't know where I'm going, I don't know what we'll do", dit-il. À l'écoute de ceci, on se dit qu'il est d'une importance déjà folle de penser à l'après, puisque "maybe it's time to live".
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