Les deux premiers volets d'Electronica avaient annoncé la couleur, Oxygène 3 aussi dans un moindre mesure. Cet Equinoxe Infinity sorti de nulle part, 40 ans après le premier Equinoxe, le confirme largement : non seulement Jean-Michel Jarre n'est pas mort artistiquement, mais en plus, il se paie le luxe de signer l'un de ses meilleurs albums, toutes époques confondus.
"Elliott, t'as fumé, mon gars ?"
Non non, les amis, je dis et je maintiens : l'un de ses meilleurs. Curieusement inspiré par ses "Watchers", ainsi qu'il appelle désormais les personnages extirpés de la pochette originale d'Equinoxe, Jarre retrouve la grâce, renouvelle ses idées sonores et régénère sa capacité à balancer de la mélodie qui marque, tout en expérimentant de nouveaux territoires. La totale !
D'ailleurs, je dis ça, mais aujourd'hui, alors que je l'ai déjà écouté un certain nombre de fois (pléonasme), j'ai le sentiment troublant mais agréable d'être loin d'avoir fait le tour d'Equinoxe Infinity. C'est fou comme Jarre est capable d'écrire des morceaux qui lui ressemblent totalement, que l'on pourrait reconnaître les yeux fermés sans aucune information préalable, et pourtant de donner l'impression de ne pas se répéter. En tout cas, dans ses meilleures productions.
Composé de dix morceaux, Equinoxe Infinity est divisé en deux parties de cinq titres chacun, "à l'ancienne", dans le respect de la règle antique des deux faces du 33 tours. Une face A plutôt sombre, hantée, dont les cinq fragments sont noués solidement entre eux par des transitions sonores inextricables. Une face B plus énergique, voire festive et optimiste, qui s'achève en douce rêverie au fil des sept minutes et demie du morceau-titre.
Pour moi, rien à jeter dans cet album, pas même "Infinity" qui a fait bondir nombre de fans. Oui, ce morceau est faiblard, gentillet, pas à la hauteur des cinq titres qui le précèdent. Tentative maladroite de single qui se transforme en médiocre électro-pop pour club de seconde zone. Oui oui, d'accord. Mais sa vitalité, sa simplicité, son optimisme (inhabituel chez Jarre, plutôt adepte des atmosphères mélancoliques ou sombres), en plus de proposer une rupture franche de tonalité, introduisent sans coup férir la suite surpuissante de la deuxième partie du disque (parties 6 à 8), qui s'achève par l'implacable "The Opening", machine à emporter les foules en concert (le morceau a d'ailleurs été présenté en avant-première en ouverture du concert donné par Jarre à Coachella, le mythique festival américain).
Equinoxe Infinity fait plus que me réconcilier (si besoin était) avec Jean-Michel Jarre. Il me donne plein d'espoir pour la suite d'une carrière qu'on pouvait craindre moribonde, voire franchement décédée, durant la triste décennie 2000. A soixante-dix ans passés, le maestro de l'électro française a de très beaux restes, de l'enthousiasme à revendre, et sans doute quelques trucs encore à nous raconter. Tant mieux.