Le clip de « Justify My Love » aidant, nous rentrons dans la période érotique de Madonna qui fort de sa propre maison de disques et de films « Maverick », co-fondé avec son manager Freddy DeMann, Veronica Dashev et une partie de la Warner, s'accorde encore plus de liberté artistique. Sort alors le polémique « Sex », un livre de photos pornographiques stylisé où on la retrouve nue sous le nom de « Mistress Dita » et dont l'initiatrice se défendra en prônant la liberté sexuelle. Selon elle, si tout le monde parlait de cul sans tabous, il y aurait moins de sexe illégal comme le viol ; ça se tient. Le succès du bouquin éclipsera la sortie de l'album « Erotica », cette même semaine d'Octobre 92.
Shep Petitbone, déjà derrière le succès de « Vogue », supervisera la majorité du projet avec des interférences d'André Betts, qui rendra plus jazzy cette House typique des années 90, avec ce qu'il faut de fusion avec les musiques urbaines. C'est musicalement plus ambitieux que ce que la Madone avait l'habitude de produire dans les années 80, mais ça a sûrement été un frein au succès des singles comme « Erotica » ou « Deeper and Deeper », la majorité des titres durent autour de cinq minutes et peuvent agacer par leur caractère répétitif. Ça laisse néanmoins du temps à d'autres instruments de s'exprimer ; des guitares flamencos, du sax', du piano ornementent les boucles de Petitbone tandis que Madonna susurre plus qu'elle ne chante, sur le thème de la romance, le sexe, le sida...
Les ballades « Bad Girls » et « Rain », à l'influence RN'B loin d'être désagréables, peineront aussi à promouvoir l'album. Il y a pas mal de passages curieux dans ces plus de 70 minutes, notamment le « Why It's so Hard » qui flirte avec le reggae, genre qui a inspiré Petitbone lors d'un voyage ou encore « Did You Do It », hip-hop un peu old-school, où Mado n'intervient presque pas, à se demander si la piste n'est pas un peu de trop. Pour les tubes potentiels, j'aurais également gardé « Thief of Hearts », d'atmosphère très simple et par ces nombreux breaks, une des meilleures prods Petitbone de la galette alors que le son hip-hop de « Waiting », ses cuivres en fond et ses impros jazz, font honneur au style de Betts.
Trop lourd, « Erotica » se vendra à peine mieux que son prédécesseur « I'm Breathless », pourtant simple BO (bien qu'excentrique) ; il est considéré comme simple accompagnement au livre « Sex » et sera sans doute mal compris par le public, malgré encore une fois de bons retours critiques. S'il gagnerait effectivement à être raccourci, l’œuvre est d'une densité qui force le respect par l'implication ressentie et donnée par un duo de producteurs inspirés, dirigés par une Madonna au top de ses envies, créatives autant que sexuelles.