Everybody Knows This Is Nowhere, c’est bien plus que la première trace discographique de Crazy Horse. C’est un coup de foudre artistique, une alchimie sans égal dans le rock’n’roll. Pour Neil Young, c’est une révélation quasi mystique : quand il joue avec ces trois là, la musique coule de ses doigts avec un naturel et une intensité qu’il n’avait jamais ressentis auparavant. Ralph Molina, Bill Talbot et surtout Danny Whitten sont de véritables têtes brûlées qui se sont fait les griffes en écumant des bars remplis de bourrins, ils ont connu les publics hostiles et cela se ressent dans leur jeu, âpre et menaçant. Avec eux, Young oublie totalement sa condition physique faiblarde et peut se laisser aller à des jam sans fin, des séances cathartiques dont il tire un tel plaisir que certaines d’entre elles se retrouvent sur l’album, inchangées. Et effectivement, il est difficile de ne pas prendre son pied avec Down By The River, neuf minutes jouissives avec un démentiel solo d’une seule note, ou Cowgirl In The Sand, où la bande part en délire sur deux accords pendant dix minutes sans oublier d’offrir un magnifique refrain. C’est la naissance d’un style et d’une méthode que Young recyclera tout le long de sa carrière : l’enregistrement live en studio, dénué de fioritures et d’astuces de montage. Les premières prises sont privilégiées, car Young veut de la spontanéité avant tout, même si cela doit passer par quelques fausses notes. Au final, celles-ci achèvent de fasciner l’auditeur, subjugué par la rage des interprètes, saisi par un son brutalement honnête impossible à policer au mixage. Il n’y a pas de place pour les bobards dans le Crazy Horse, groupe au nom terriblement adéquat tant il sonne comme un cheval fougueux lancé au triple galop et défonçant tous les obstacles sans jamais s’arrêter.
Extrait du podcast Graine de Violence à découvrir ici :
Neil Young, se perdre et se retrouver
https://graine-de-violence.lepodcast.fr/neil-young-se-perdre-et-se-retrouver