Après avoir fait ses armes au sein de Buffalo Springfield où il y enregistrera trois albums, Neil Young entame une carrière solo avec l'album portant son nom puis se lance dans "Everybody Knows This Is Nowhere" avec le groupe Crazy Horse. Album phare dans sa carrière, il débute alors une collaboration qui dure encore aujourd'hui avec Danny Whitten (jusqu'en 1972) à la guitare, Billy Talbot à la basse et Ralph Molina à la batterie, les membres du Crazy Horse, ex-Rockets.
Et quelle claque ! Jusque-là, je connaissais peu la carrière de Neil Young, le très bon "Harvest" bien évidemment, quelques autres albums par-ci par-là, mais en nombre restreint par rapport à la longue carrière du canadien et ce premier opus avec le Crazy Horse m'a tellement retourné que je n'ai pu m'empêcher de me le passer en boucle depuis sa découverte. Il livre 7 titres pour 40 grandes minutes, sept titres où il montre tous ses talents de compositeur et d'interprète dans un style folk-rock qui lui va à merveille. Il alterne entre électrique et acoustique, mélancolie et puissance pour un ensemble parfait, sans fausse note qui baigne dans une atmosphère oscillant entre belle, crépusculaire et sombre. Neil Young montre à nouveau ici qu'il est aussi bon chanteur que guitariste et compositeurs, tandis que le Crazy Horse l'accompagne à merveille, où chacun des musiciens met sa virtuosité au service du groupe et l'osmose entre tous frôle la perfection.
S'ouvrant sur le surpuissant riff de "Cinnamon Girl", Neil Young se montre d'abord efficace avec un morceau au son bien saturé et avec un chant qui scie parfaitement avec ce style. Enchaînant avec un rock plus calme, le canadien continue sur sa belle lignée, le Crazy Horse joue parfaitement ensemble et est en osmose total, ce qui est encore confirmé par le bel acoustique "Round and Round it goes". Trois morceaux où Neil Young et son band nous transportent dans leur univers folk/rock, trois morceaux assez courts où il dévoile déjà tout leur talent, que ce soit à l'écriture ou dans la façon de joueur ensemble. Mais c'est pourtant dès la prochaine que ce disque prend toute son ampleur et envergure, là où il passe de bon voire très bon album à disque d'anthologie et véritable oeuvre d'art dans cette année 1969 qui n'en manquait déjà pas (de Let it Bleed des Stones aux deux premiers albums de Led Zep en passant par Tommy, Abbey Road ou In the court of the Crimson King).
Chef d'oeuvre à lui seul "Down by the River" propose un fabuleux duel de guitares entre Neil Young et Danny Whitten qui nous livrent des solos déments et pendant ce temps, la basse omniprésente apporte une vraie richesse et consistance à cet immense et long morceau. Si Neil Young redescend un peu de son nuage avec le sobre "The Losing End (When You're On)" mais qui n'en reste pas moins efficace avec une belle petite touche country, c'est pour mieux remonter vers les sommets avec les deux derniers morceaux. Il enterre d'abord les Rockets (l'ancien nom du Crazy Horse) avec le très sombre et lent "Runnin' Dry (Requiem For The Rockets)", chanson assez folk et semblant d'une grande noirceur où sa voix est d'une beauté foudroyante tandis que l'ajout du violon vient crucifier ce bien sombre requiem. Et enfin, comme il terminait en beauté la première face avec "Down by the River", il fait de même avec la seconde et le rock "Cowgirl in the Sand". Immense chanson où les musiciens, guitaristes et bassistes en tête, sont en grandes formes et montrent toutes leurs virtuosités servant un groupe orchestré avec brio.
Immense... il n'y a guère d'autres mots qui me viennent à l'esprit et je vais continuer à me le passer en boucle tout en continuant à découvrir l'univers de Neil Young mais ce "Everybody Knows This Is Nowhere" est juste somptueux, sans fausses notes où la virtuosité sert un ensemble qui joue avec émotion, génie et puissance.