C’est désormais dans l’air du temps, le hip-hop doit apparemment bien se tenir pour recueillir les suffrages. Le surprenant accueil réservé à Drake en novembre dernier et à Common en ce moment avec The Dreamer, The Believer témoigne de la tendance suivie actuellement par le rap east coast à s’emplâtrer dans le bon chic bon genre et à oublier l’énergie qui lui est inhérente. À l’opposé, Spank Rock et la grosse machine électro de Everything is Boring & Everyone is a Fucking Liar semblent avoir été un peu vite jugés déplaisants par la presse. Pourtant, ses chansons sont bien plus tonifiantes et ambitieuses.
Cette mollesse qui touche une partie du hip-hop contemporain (Common inclus, donc) semble s’accorder avec une velléité de revenir aux racines soul, ce qui est d’ailleurs la base du courant east coast. C’est évident chez Lonnie Rashid Lynn Jr (aka Common). Les orchestres « naturels » (piano, cordes, instruments à vent et tout le toutim), les chœurs, le flow parfois délaissé au profit du chant sont là pour signifier la parenté avec les seventies. Sauf que chez Common, l’emballage classe (et parfois beau, il faut le dire) n’y fait rien ou presque : le contenu est souvent vide et le résultat mi-figue mi-raisin. Le rythme de la scansion, par exemple, propre au hip-hop, est ici relativement en retrait. Le choix aurait pu s’avérer payant (c’est le cas chez Le Klub des Loosers, pour ne citer qu’eux). Mais ici le travail sur le chant de Lynn comme des choristes qui l’entourent, omniprésent, n’est pour autant jamais convaincant, voire parfois assez niais, proche d’un R’n B de basse facture. « Blue Sky », « Gold », « Cloth » et surtout « Celebrate » sont à ce titre des exemples frappants. D’autre part, les rythmes sont à la fois trop synthétiques pour nous rappeler la chaleur des années Motown, et pas assez percutants pour développer un vrai punch. Bref, dans The Dreamer, The Believer, la force des vieux standards de The Roots, Nas et autre Mobb Deep paraît bien loin.
Spank Rock est quant à lui plus proche de l’idée qu’on peut se faire d’un rappeur west coast : musique martiale et image de branleur en signes de ralliement. L’américain a eu la bonne idée, pour son deuxième disque, de faire appel à Alex Ridha qui n’est autre que l’homme derrière le projet techno Boys Noize, qui nous a déjà gratifié de deux très bons disques. Des morceaux courts, très variés, beaucoup de vigueur, c’est la formule de Everything is Boring & Everyone is a Fucking Liar. Le rappeur a l’air de s’amuser, de ne pas se prendre au sérieux, comme le laisse penser l’interlude drôlatique de « Hennesey Youngman Skit ». Mais surtout, Spank Rock profite du savoir-faire en matière de sons d’Alex Ridha. De ce point de vue, l’album est étonnamment plus riche que The Dreamer, The Believer. Le traitement apporté aux beats (véritable démonstration sur « Ta Da »), le mélange des genres (« Car Song », son chant féminin délicieux et sa basse naturelle contrastent avec la frénésie électro d’un « The Dance ») sont autant d’atouts qui témoignent d’une association heureuse. Et le résultat est finalement, contre toute attente, beaucoup plus léger que The Dreamer, The Believer.
Plutôt que de souligner une dualité côte ouest/côte est, la réception un peu injuste (selon nous) réservée à ces deux disques entérine cette idée selon laquelle Kanye West – dont les récents LP plutôt sages ont été encensés par la critique – fait actuellement figure de modèle à suivre dans le monde du hip-hop. Everything is Boring & Everyone is a Fucking Liar et The Dreamer, The Believer sont pourtant là pour montrer qu’au contraire, il n’y a pas de bon ou de mauvais chemin à suivre, simplement des artistes inspirés ou pas. Malheureusement, comme souvent, la mode prend le pas !