Exile on Main St. est un album particulier, surtout pour un groupe si important, car il ne contient aucun hit, aucun gros single. Il y a bien Tumbling Dice qui est un classique des concerts des Stones, mais sinon la plupart des chansons sont moins connues, voire méconnues. Et cela explique peut-être pourquoi l'album est si bon : comme dit dans d'autres critiques, c'est plus un ensemble de très bonnes chansons qu'une série de hits comme a pu l'être leur précédent album, Sticky Fingers. Enregistré en deux parties (pendant les sessions de Sticky Fingers puis sur la Cote d'azur en 71), on sent la patte du précédent album, avec un son et des qualités similaires.
Le disque démarre en fanfare avec Rocks Off, qui est peut-être ma chanson préférée du groupe. J'ai toujours aimé lorsque les Stones associaient riffs de guitare et cuivres (voir ma critique de Sticky Fingers), et à mon sens ils ne l'ont jamais mieux fait que sur ce titre. Lorsque le rythme ralentit et que la chanson devient un peu psychédélique l'espace de quelques secondes, pour enfin reprendre de plus belle : "The sunshine bores the daylights out of me...", dans un tonnerre de trompettes assourdissantes... Pour moi c'est une chanson parfaite, un sentiment difficile à détailler. C'est toujours rageant quand la meilleure piste d'un album est la première ! Ce qui est loin de signifier que le reste est mauvais, bien au contraire.
Il y a de nombreux moments fort tout au long de la tracklist, notamment le précédemment cité Tumbling Dice, avec ses choeurs qui rappelle le gospel et son outro géniale "Got to roll me !", puis Richards se joint au chant et la guitare revient, et on a un grand morceau. Autre chanson suivant un peu la même recette, Let it Loose est absolument fantastique, probablement le second meilleur morceau après Rocks Off (et encore aujourd'hui, Let it Loose n'a JAMAIS été jouée en live. Incompréhensible). Un de mes moments préférés est aussi l'outro de All Down the Line, où quand d'un coup les cuivres jaillissent et Jagger chantonne "Oh won't you be my little baby for a while...".
Il m'est, comme vous pouvez le constater, plus simple de décrire des moments forts que des véritables morceaux forts sur cet album, car ce dernier parait être un flux continu de rock, blues et gospel plutôt qu'une compilation de chansons. Parfois néanmoins la magie disparait, notamment lorsque I Just Want to See His Face démarre, juste après que Ventilator Blues et son riff agressif nous aient bien énergisés, le soufflé retombe : quelques bongos, Jagger qui marmonne des paroles qu'on ne discerne pas, et ce pendant presque 3 minutes... Inutile et superflu.
Aujourd'hui considéré comme leur "peak", leur meilleur album, Exile on Main St. n'a pourtant pas conquis la critique à l'époque, certains jugeant la qualité des chansons irrégulière (je cite Wikipedia, j'étais pas là pour en parler en 72). Jagger et Richards ont d'ailleurs tous les deux déclarés que l'album ne faisait pas partie de leur préférés. Difficile à comprendre de nos jours, tant dès la première écoute on saisit la grandeur du travail des Stones. Leur meilleur album ? Je n'irai pas jusque là. Mais clairement, ils surfaient sur une vague de créativité démarrée en 69 avec Let it Bleed, et semblaient ne pouvoir faire aucun mal. Goats Head Soup qui suivra sera une très très légère baisse de rythme pour le groupe anglais, avant que les choses ne se compliquent vraiment.