Exile On Main Street n’est pas le meilleur album des Rolling Stones.
Il recèle dans ce putain de disque une quantité astronomique de boogies plein de charme et d’optimisme, de joie et d’humeur dansante, mais qui n’ont pas la puissance des riffs acérés rock-blues-jazz de Sticky Fingers, sorti un an plus tôt. "Exile" n’a pas non plus la musicalité et la puissance politique d’un Let It Bleed ou d’un Beggar’s Banquet.
C’est un disque qui, dès le départ, démarre à fond les ballons, le riff d’ouverture de « Rocks Off » nous incombe de faire la fête, de boire, de fumer, de baiser et de se défoncer, comme tout le gratin stonien le faisait à l’époque de l’album dans la villa française Nellcôte, mais c’est aussi un album qui est rempli aussi de quelques approximations, défauts, et qui ne possède pas une de ces grandes chansons typiquement 60’s au parfum de « les choses changent en ce moment », l’un de ces titres qui se hissent au-dessus des autres… l’une de ces perles comme Under my Thumb quoi.
Mais cet album déborde d’énergie, de joie communicative, tel ce rock’n roll irrésistible qu’est « Rip This Joint », comme si les Stones démontraient à travers ce morceau qu’ils avaient voulu revenir, l’espace d’une chanson, à la vitalité de leurs premiers albums emplis du blues le plus pur de Chicago et des studios Chess (où ils avaient d’ailleurs enregistré), tels ces perles qu’étaient « Route 66 » ou « I Just Want Make Love To You » (à écouter d’urgence) sur leur magnifique premier album éponyme de 1964.
Outre un « Forty Licks » en 2003, qui ne m’avais permis de découvrir le groupe que de manière un peu superficielle, "Exile" constituait la première vraie galette stonienne digne de ce nom qui m’était donnée de savourer, il y a 10 ans de cela.
Le groupe a fui en France, et se lance dans l’enregistrement d’une suite difficile, celle de "Sticky Fingers". En exil fiscal, le groupe s’est installé sur la côte d’Azur dans une villa, pour enregistrer des chansons. Le groupe a posé tout son matos dans les sous-sols de la villa, immenses et qui n’étaient pas ventilés (d’où le titre « Ventilator Blues » d’ailleurs, au riff répétitif entêtant).
Le riff d’ouverture de « Down The Line » est bien construit, mais les licks de slide de Taylor qui suivent sont encore meilleurs. Comme dans beaucoup de chansons de cet album, les Stones chantent en chœur, contents d’être à l’unisson tous ensemble, ravis d’être réunis pour chanter un refrain à l’air très optimiste, « Happy » semblant être le morceau qui par son titre symbolise le mieux l’état d’esprit d’alors. L’harmonica final sur « Sweet Black Angel » reste dans cette ambiance de convivialité et d’optimisme. On est gavés par la richesse de la musique, par sa diversité et par la richesse des horizons d’où elle semble venir. Bobby Keys et Jim Price apportent par leurs cuivres une touche très "New Orléans" qui n’est pas déplaisante. Les chœurs féminins emplis de joie de vivre sur « Soul Survivor » font de ce morceau un rock-gospel puissant, du meilleur cru. On dirait que James Brown s’est invité dans la place pour insuffler un groove façon sermon de pasteur, comme dans les Blues Brothers. Mais, malgré tout cela, Exile On Main Street n’est pas le meilleur album des Rolling Stones.
« I Just Want To See His Face » est un curieux morceau, un peu vaudou, cérémonial. Il montre à quel point le groupe n’était jamais à court d’idées et incroyablement créatif. Keith et Mick composaient et écrivaient à la vitesse de la lumière ; ils étaient très complémentaires et le travail n’en était que plus efficace. Keith avait généralement une idée, un riff, un thème de départ, quelque fois avec des paroles, et Mick complétait avec des paroles. Parfois, ce dernier orientait le thème dans une autre direction mais globalement c’est comme ça qu’ils fonctionnaient.
Le riff de "Stop Breaking Down" et le groove qui se dégage de l'ensemble sont inoubliables, mais "Exile On Main Street" n'est (toujours) pas le meilleur album des Stones.
Et puis de toute façon, il n’y a pas de « meilleur album » des Stones… C’est comme ça. Pourquoi y en aurait-il forcément un ? J’ai déjà entendu ce débat à la con, évoquant le meilleur des Stones : plutôt « Aftermath » ou « Exile On Main Street » ? - (comme si ça ne pouvait se jouer qu’entre ces deux albums). J'ai toujours eu envie de répondre à cette question : « Sticky Fingers… »
Durant cette période qui se situe entre 1968 et 1972, il y a les 5 meilleurs albums des Rolling Stones, sans qu’un seul n’en remporte la palme en fait. Mais je suis toujours au débat : "quel est le meilleur album des Rolling Stones"? D'ailleurs, dans le même genre de débat, il y a le suivant : "quel est le meilleur album de Led Zeppelin"? C'est, également, loin d'être évident...