C'est l'histoire d'un disque qui se voulait tout d'abord joyeux et qui finit dans le plus grand désespoir.
Il faut d'abord revenir en septembre 1980 quand The Cure se retrouve de nouveau à trois - Three Imaginary Boys again! - suite au départ de Matthieu Hartley. La version officielle c'est que Robert Smith voulait se concentrer sur des morceaux comme "At Night", et que le Sieur Hartley trouvait ça trop sombre. La version officieuse était que Robert ne supportait plus les fioritures de ce dernier... et ses ronflements.
Les claviers seront désormais répartis entre Smith et Gallup, laissant chacun libre court de remplir à sa guise le spectre sonore.
C'est après trois mois de tournée et un nouveau passage à Radio One que The Cure rejoint Mike Hedges à nouveau aux Morgan Studios. Les sessions s'éternisent, Robert trouve que l'ambiance en cabine est trop joyeuse, le label, via Chris Parry exige un single, l'enregistrement continue sur quatre autres studios... une certaine pesanteur voir lassitude plane pour la première fois sur le groupe.
Le disque qui sort dans les bacs le 20 mars 1981 s'appelle "Faith", Robert Smith s'étant intéressé au thème de la foi en assistant de manière régulière à des messes. La pochette réalisée par Parched Art (Porl Thompson, ancien et futur guitariste du groupe) illustre une obsession d'enfance de Smith, La Bolton Abbey, et symbolise à merveille l'évolution musicale de Cure: Du gris clair à un gris plus ténébreux, plus obscur.
Ce qui frappera d'emblée l'auditeur, c'est que contrairement aux deux disques précédents, le son est ample, la basse est lourde et en avant, la batterie martèle son beat lancinant et métronomique et enfin, les guitares et les claviers s'éparpillent ça et là dans le coton. La basse pesante de Simon Gallup ouvrant "The Holy Hour" annonce cette atmosphère de cathédrale qui se prolongera sur l'ensemble du disque. Seuls les tempi varieront: Le rapide single "Primary" (accéléré sur demande du label) et son duel de basses flangées à outrance, "Other Voices" et son pastiche de western spaghetti, les lents et brumeux "All cats are grey" et "The Funeral Party", le violent "Doubt" qui annoncera la suite, puis les longs et funèbres "The Drowning Man" et "Faith" laisseront l'auditeur sur des interrogations non résolues et un sentiment de bouleversement.
La musique du groupe commence à rappeler celle de Joy Division, la brique rouge et l'urgence en moins, la marque Cure en plus.
Le groupe partira alors sillonner le Vieux Continent lors de toute l'année 1981, les concerts devenant de véritables messes glauques, avec en guise de première partie le film "Carnage Visors" (de Ric Gallup, frère de Simon) dont la bande-son (disponible sur les versions cassette de l'album) sera une magnifique mise-en-bouche à la fois pesante et répétitive.
"Faith" est et demeure un des albums cultes pour tout curiste qui se respecte, une des pierres angulaires.
Je vous conseille également l'écoute des nombreux bootlegs de cette tournée (Le Picture Tour), et tout particulièrement le concert donné à Lyon (pour l'audio) et celui de Metz donné le lendemain (pour la vidéo).