Les réseaux sociaux ne tarissent pas d'éloges sur ce nouvel album de Nekfeu, appelé Feu tout en simplicité (ou fainéantise je ne sais pas). J'ai découvert Nekfeu avec les rap contenders et 1995 il y a déjà quelques années, et pour le coup ça balançait pas mal avec des beats à l'ancienne et des flows efficaces sans vocoder et autre modificateur de voix. Inspirés d'IAM, NTM, Lunatic, Tupac, Scred Connexion etc... l'avenir était donc très prometteur pour ces jeunes rappeurs, en terme de qualité je précise. Seulement, nous voilà en 2015, 20 ans après l'année phare de l'âge d'or du rap, et beaucoup de choses ont changé. Pour réussir maintenant il faut suivre les tendances imposées par les maisons de disque, les radios et les investisseurs.
Et voilà donc le problème de cet album. Un jeune avec une diction très fluide et nette mais aussi capable d'écrire quelques très bons textes ou du moins quelques très bonnes mesures, mais qui reste bloqué dans des sujets qui ne changeront pas la face du monde du rap. Les thèmes abordés dans cet album sont trop superficiels et directement adressés aux adolescents en crise qui constituent la majeure partie du public de Nekfeu. Mais pour oser se comparer à IAM ou NTM il faut bien plus que s'adresser à des petits bourgeois toxicos et prétentieux qui ne connaissent le rap que depuis qu'il s'est ouvert à eux. Bien plus que de parler de sexe, de soirées, de cannabis, de ses potes et de ses problèmes d'argent. Le problème du rap maintenant c'est qu'il est devenu bien trop égocentrique et beaucoup moins révolté qu'avant.
Après beaucoup d'entre nous sont durs avec Nekfeu et cet album du fait de l'arrogance du public de ce nouveau "rap" qui s'est entremêlé de musique house, funk et électronique pour s'ouvrir au français moyen qui sort des cours avec pour seul souci: savoir si Sabrina vient à la soirée de samedi prochain pour pouvoir la baiser dans les toilettes et fumer un cône avec Kévin au bord de la piscine. Ce public qui squatte les réseaux sociaux et qui prétend connaître le rap parce qu'il a écouté Nique la police de Cut Killer et qu'il a vu la Haine de Kassovitz. Ce même public qui vous dira que cet album est l'un des meilleurs qu'il ait jamais entendu. Moi je vous dis que cet album est très inégal avec une bonne moitié de morceaux nullissimes, quelques uns passables, une très petite minorité de titres corrects et aucun de bon. Non sérieusement il est nécessaire de voir plus loin que le bout de son nez mon cher Ken Samaras.
Alors le rap est une culture musicale très difficile a adopté pour Marie-Pierre et Jean-François, je le conçois, mais était-on obligé de nous ouvrir à ce public qui nous refuse ? C'est à ceux qui le désirent de s'aventurer dans les méandres du rap et non à tout le monde. Nekfeu et 1995 ont contribué à cette ouverture sur une plus large population, doit-on vraiment les remercier quand on voit ce que le rap est devenu aujourd'hui: un résidu de crotte mêlant mauvais rap vocodé et musique électronique défigurée? Mais il reste quelques lueurs d'espoirs dans ce monde superficiel qui travestit le rap à travers la planète, il y a peu de temps le rappeur VII nous comptait son hommage au rap à travers son morceaux "Sombre était la chanson" et finissait très justement par "loin de l'âge d'or l'édifice est fragile, un peu nostalgique pourtant nous avançons, au commencement déjà sombre était la chanson". Histoire de conclure ma critique.