Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année qui vient de s’écouler aura été sous le signe de Pharell. Le chanteur et producteur américain qui fêtait d’ailleurs en 2013 ses quarante ans aura été sur tous les fronts, de tous les bons plans. Il a ainsi participé à deux des plus gros tubes de l’année, « Blurred Lines » avec Robin Thicke (numéro un dans les charts de presque tous les pays du monde, des millions d’exemplaires vendus) et surtout « Get Lucky » avec les Daft Punk, qui obtint en janvier dernier deux Grammy, et figure sur l’album qui a régné sur la cérémonie. Pour couronner le tout, le premier single issu de son deuxième album, « Happy », a été nommé pour l’Oscar de la meilleure chanson originale et figure dans le film « Moi, moche et méchant 2″, un des plus gros succès mondiaux de l’année passée. C’est dire si Pharrell Williams aura accaparé les médias au cours des précédents mois. Le timing était donc parfait pour l’auteur-compositeur-interprète au moment de sortir son deuxième album solo, huit ans après son premier effort « In My Mind » (Pharrell ayant déjà sorti quatre albums en dix ans avec le très bon groupe N.E.R.D.). À timing parfait, grosse attente. Et force est de constater que de ce côté là, l’album déçoit beaucoup.
Le défaut majeur de ce disque est son manque d’ambition. Le programme est simple : une flopée de chansons plutôt rythmées et joyeuses, d’inspiration funky et hip-hop contemporaine. L’ombre de quelques grands noms du genre plane sans cesse et c’est un réel handicap car tout souffre ici de la comparaison. En quelques mots, n’est pas Prince qui veut – et encore moins George Clinton. La faute à un gros manque de folie niveau orchestration et structure des chansons, toutes très calibrées, et à une production d’une platitude extrême. Même les quelques gimmicks de cuivres (sur « Brand New » notamment) sont tristement répétitifs et sonnent artificiels. Il y a là un problème de vie, d’incarnation dans la musique recherchée.
Autre problème : les featurings. On retrouve Justin Timberlake, qui a prouvé en 2013 avec la première moitié de son ambition « The 20/20 Experience » qu’il était vraiment capable du meilleur dans le domaine, puis Daft Punk, dont on ne présentera plus le tube « Get Lucky » avec le même Pharrell. La première association est une bonne idée qui dessert l’album : on ne peut s’empêcher de penser que de nombreux passages, en particulier les deux premières chansons, sonnent comme du « sous » Timberlake. Quant à la nouvelle collaboration avec les deux robots français, elle est d’une pâleur et d’une tristesse d’un point de vue créativité bête à pleurer. Ou plutôt, on retrouve certes une bonne idée de composition mais qui est stupidement étirée et utilisée. Les autres collaborations (Cyrus, Keys) m’ont si peu marqué que je n’ai pas grand chose à en dire.
Et puis il y a « Happy », l’argument poids du disque et celui qui enfonce encore un peu plus le clou de la médiocrité du reste de l’album. De loin la meilleure chanson, la plus différente et la plus originale (et accompagné d’un clip-concept phénomène et épidémique), le problème étant que tout le monde la connaît et ce depuis des mois et des mois. C’est un problème récurrent désormais, puisque les artistes sortent des singles de plus en plus tôt. Qu’on se souvienne de « Bad Girls » sur le dernier M.I.A. (un autrement meilleur disque, ceci dit), ou de « Nightcall » sur le dernier Kavinsky, à la limite de la plaisanterie. Pour en revenir à Pharrell, cette chanson est ainsi devenu un hymne, et constitue même le mantra, la profession de foi du disque, qui se veut une ode à la joie. Mais dans ce manque absolu de consistance et de vie, ce motto se retourne contre lui-même et la joie devient calculée, mécanique, déshumanisée. En somme, s’il faut bien dire que l’album n’est pas non plus désagréable à écouter – loin s’en faut même, puisque certains titres parviennent à faire oublier la médiocrité des arrangements, tels « Hunter » et dans une moindre mesure « Marilyn Monroe » et « Brand New » – il commet des impairs impardonnables pour un enregistrement qui se revendique « funk » : manquer de vie et pire, ennuyer. Un moment qui n’a donc rien de honteux, mais rien de mémorable non plus.