Du haut d’une montagne d’instruments désaccordés, un loup gueule à la Mort.
Sa plainte est de métal, ses souffrances, bien réelles, lui perforent les poumons.
Une armée de chênes désabusés absorbe l’écho du corps qui se tend et se recroqueville parmi les cadavres aux dents creuses, obsédant bordel.
D’une vie sur le point de chavirer, il faut prendre appui –
Que restera-t-il de nos souvenirs après que la dernière note se soit évanouie entre les étoiles?
Les astres se mettront-ils à chialer? Probablement pas. Nous ne sommes que des bâtons de poussière, irrigués par quelques litres d’un nectar volatile, incapables de nous sauver .
Le Néant, juché sur son trône en cristal, ne nous quitte pas des yeux. On a beau lever les bras, frapper le sol de nos jambes décharnées pour tenter d’accrocher le rythme, toute résistance est inutile. Les soirées mémorables ont toutes une fin.
Tragique et décalée, d’ailleurs.
Ne sont-ils pas idiots, ces troupeaux de fêtards, à trainer leur carcasse puante sur les parkings, aux premiers soupirs de l’Aube, l’organisme en manque de came, leurs yeux vitreux d’avoir trop dansé, vibrant sans cesse, à la recherche d’une ultime dragée interdite?
Que reste-t-il de ces deux êtres, qui toute la nuit, se sont enlacés?
Un synthé solitaire balaye leur romance en une portée, y’a plus qu’à rentrer seul, le visage sale, l’esprit embrouillé, ou ne pas rentrer du tout, et se coucher en chien de fusil, tel un bâtard aux longues oreilles tristes, tout contre le bitume.
à quoi bon persister?
S’attacher à un corps transi, pour la délicatesse de ses courbes et son odeur… tu l’aimeras toujours, dans 120 piges, quand il ne sera que lambeaux dégueulasses, abandonné sous terre, habité par les vers?
Le poids du Temps se fait trop lourd, la balance est fêlée. D’une craquelure plus profonde qu’une autre se hisse maladroitement une bribe de voix parasitée, son chant sème la Terreur parmi les goules au teint crayeux. Elles s’éparpillent en glapissant, l’échine déchirée à grands coups de désespoir, les yeux révulsés par un passé maudit.
La plus grande d’entre elles passe un doigt décharné sous sa paupière, afin d’en recueillir une goutte vermeille.
Ses pieds cessent de s’agiter.
Elle stoppe sa course sans fin au pied d’un char couvert de mousse.
Éreintée, elle se laisse tomber à terre, bruit sec d’os pourris qui se brisent, un nuage verdâtre encadre sa carcasse, quelques mouches vrombissantes, excédées par tant d’audace, décollent de leurs perchoirs.
Le morceau touche à sa fin, la goule le sait. Ce qu’il reste de ses yeux, brille d’un éclat nouveau. Verts sont ses iris, autrefois complimentés, deux trous sans fond, qui roulent en gémissant.
L’album d’Oneohtrix Point Never sort en novembre : l’espoir s’est bel et bien noyé dans un souvenir, rongé par le froid. Avec ce premier morceau, il signe la fin d’un Monde qui fait écho à la perte de l’être cher que l’on ne pourra plus jamais prendre dans ses bras.
Alors, dis-moi, prophète des Temps Perdus, comment je fais, à présent?