Avec son album "Green" R.E.M. prend un virage important dans sa carrière...un virage qui concerne son passage d'un petit label (IRS sur lequel le groupe a enregistré ses cinq premiers albums) à un gros label "Warner" sur lequel R.E.M. s'imposera très vite comme une pointure énorme et incontournable des années 90... Il faut dire que l'album "Document" qui a clos la précédente période du groupe a vu R.E.M. devenir un groupe imposant pour le rock alternatif...des tubes rocks et fédérateurs de la trempe de "It's the end of the world", "The one i love" ou encore le génial "Finest worksong" ont pas mal aidé...même si, en réalité, le groupe était déjà capable du meilleur dès ses débuts (des albums aussi fabuleux que "Murmur" ou "Reckoning" en sont des témoignages vibrants).
Là où Document s'illustrait par une frappe de batterie plus appuyée qu'avant et par un virage "rock" assez éloigné (mais pas toujours) des contours brumeux et mystérieux de leurs premiers essais...Green fait le choix de remettre davantage en avant les atmosphères rurales qui faisaient le charme des premiers albums du groupe mais en fusionnant cette approche avec la vivacité rock de Document. On a donc un album très proche de la perfection (pour changer un peu...) qui nous éblouit à chaque instant en faisant montre d'une force et d'une inspiration mélodique toujours à la pointe de ce que l'on peut trouver de mieux dans le rock alternatif à tendance folk...les contours parfois baroques de certaines chansons comme ce "World leader pretend" sont absolument sublimes. Thématiquement parlant on constate que le groupe s'illustre de plus en plus dans des territoires politiques et écolos (Stipe et sa bande ayant toujours été "pro green peace" cela n'a rien d'étonnant) sur des tubes de la trempe de "Pop song 89" ou encore le rock aérien et abrasif destiné à cartonner dans les stades : "Orange crush" qui fera figure de classique incontournable en concert... Le tube "Stand" sera un peu plus oublié mais il n'en demeure pas moins un de leurs plus gros succès à cette époque et sans doute au sein même de leur carrière...un titre répétitif mais furieusement attachant tout en étant irrésistiblement pop et mainstream.
L'album opte pour une structure assez "répétitive" mais bougrement efficace qui donne lieu à un ensemble disparate mais agréable où l'on ne ressent jamais réellement de lassitude : deux bombes rock ou pop (par exemple la paire Pop song 89/Get up qui ouvre l'album est une entrée en matière brillante assénant un rock acide plein de relief et de personnalité), une sublime ballade folk aux ornements minimalistes évoquant la nature et une dimension spirituelle proche du panthéisme (je pense en particulier avec émotion à ce "You are the everything" et son accordéon ajoutant une dimension chaleureuse et ancestrale à l'ensemble) puis à nouveau deux bombes pop/rock rythmées...etc. L'album se décompose donc selon une certaine binarité et une variété de contrastes fascinante...une structure qui ne sera (heureusement car sinon ça serait lassant) pas réitérée sur les autres albums à venir.
Si Green est souvent considéré comme un grand album de R.E.M. (Kurt Cobain l'ayant même classé à l'époque parmi ses albums favoris), il n'est toutefois pas leur sommet absolu ni celui que les fans considèreront unanimement comme leur chef d'œuvre à écouter en priorité... Mais peu importe que Green soit parfois sous-estimé par certains ou mis sur un piédestal de façon exagérée par d'autres...ce qui est sûr c'est qu'il mérite bien plus qu'une petite moyenne minable de 6,9/10 sur senscritique (de même que la totalité des albums de R.E.M. dont aucun ne parvient ne serait-ce qu'à 8...ce qui est honteux vu la dimension totalement culte du groupe mais bon), et reste un album phare de plus dans la longue et riche discographie de R.E.M. qui ne contient que très peu d'albums superflus...
R.E.M. préparait donc déjà bien le terrain à une conquête qui s'annonçai mondiale très prochainement avec les chefs d'œuvres qui suivront dans les années 90...la machine était lancée depuis longtemps mais la reconnaissance de son génie était alors imminente.