On avait laissé Frédéric Lo à ses deux magnifiques collaborations avec l’âme damnée Daniel Darc en 2004 et 2008. On le savait donc brillant homme de l’ombre, impeccable mélodiste et arrangeur, mais pas encore bon chanteur et parolier. Mieux vaut tard que jamais : l’année de ses cinquante cinq ans, Frédéric Lo peut enfin afficher, en son nom, la subtilité et l’expérience des orfèvres qui observent et oeuvrent patiemment, dans l’obscurité, depuis des lustres.
Les apparences discrètes d’Hallelujah ! ne masquent que peu de temps son ventre de vrai classique, dosant impeccablement ses émotions, ciselant chaque son comme un bijou. La production, synthétique, folk et pop, est soyeuse à souhait ; la voix de Lo à la fois posée et exaltée. Et comme tout classique qui se respecte, Hallelujah ! regorge de singles aussi élégants qu’addictifs (« Cet obscur objet du désir » en tête de liste avec Stephan Eicher, « Come » avec Elli Medeiros), passe d’une ambiance à l’autre avec décontraction, égrenant sa mélancolie et sa bonne humeur avec une égale majesté.
Derrière le triomphe évident de ces chansons aussi délicates qu’affirmées, il y a paradoxalement une certaine amertume à ce qu’un tel artiste éclose si tard aux yeux du monde. Et aussi cette certitude étrange qui s’impose : on peut définitivement collaborer avec Florent Pagny, Marc Lavoine, Alizée et sortir un disque de la trempe d’Hallelujah !