Quatrième volet pour la saga Harry Potter, qui bénéficie d’un engouement massif suite d’une part au volume six qui venait à peine de sortir, et d’autre part aux bonnes adaptations des trois premiers, surtout le dernier, qui a complètement redéfini le style Potter en amorçant le chemin de nos héros vers les ténèbres. Mais pour Harry Potter et La Coupe de Feu, pas d’Alfonso Cuaron ni de John Williams : c’est Mike Newell qui se charge de la réalisation, et Patrick Doyle de la musique. Après Williams, on s’attendait à une amère déception … mais c’est pas nul !
Le choix de Patrick Doyle peut paraître curieux, mais il est pourtant logique : l’épisode donne clairement dans l’épique avec le Tournoi des Trois Sorciers, et c’est précisément dans ce registre qu’il excelle : « Golden Egg », « The Black Lake » et « The Maze », une pour chaque tâche, représentent bien les compétences de Doyle en matière d’action. Au niveau de l’orchestration, on retrouve la composition typique de Patrick Doyle (quasiment aucune différence avec Eragon, mais bon, ça parle de dragons, c’est pareil xD). Style très explosif, qui évoque un peu Goldsmith dans le dynamisme. En fait, la différence vient du fait que Doyle pose le rythme, il est régulier (ce qui sonne plus « classique » et romantique) et fait intervenir quasi systématiquement les cymbales, alors que Goldsmith joue davantage sur l’irrégularité rythmique (il est davantage Stravinskien), en plus des alternances lents-rapides. A noter la première minute de« The Dark Mark », clairement le mieux ficelé des morceaux dits d’action, dont la partie en question furt honteusement coupée au montage alors qu’il s’agit d’une des plus grandes créations de la Bo (ses motifs descendants sont dantesques). En tout cas, ça fonctionne bien, l’énergie dynamise l’ensemble et donne le souffle épique escompté dans les séquences Tournoi. Mais qu’en est-il du reste ?
Et bien il est clairement à la hauteur ! On peut noter la grande valorisation des cordes en général, notamment dans les séquences décisives (« Franck Dies », « Death of Cedric » se veut déchirant), là où John Williams sollicitait légèrement plus les bois. On appréciera la présence de nouveaux thèmes qui, bien que loin d’être aussi marquants que ceux de son prédécesseur, demeurent tout à fait respectable et dignes d’un Harry Potter. Dès les premières secondes du film, « The Story Continues » annonce la couleur avec une reprise virtuose du « Hedwig’s Theme » dans une ambiance beaucoup plus sombre et macabre, et poursuit par conséquent le travail de Williams. Grâce à l’interprétation du motif aux cordes, et l’excellent changement de son rythme, le thème perd son côté scintillant pour un aspect beaucoup plus mécanique et donne moins dans le merveilleux. Ce morceau en profite d’ailleurs pour introduire ce qui sera le thème principal de ce quatrième opus.
Le nouveau thème d’Harry, magnifiquement exposé dans « Harry In Winter » (qui comme son nom l’indique, est audible quand Harry rencontre Cho à la volière à l’occasion du Bal de Noël) délivre un très joli motif, qui tourne quelque peu en rond (on pourrait couper facilement 1min30), mais tout de même, le tout tient bien ses promesses =). Il nous permet de retrouver pour un temps le côté magique = merveilleux cher à cet univers. On pourra relever par exemple un thème sympatoche pour Rita Skeeter, avec ses cordes très « vibrantes » qui lui donne un côté canaillou (on est loin de la pouffe du livre, mais bon ^^), et le thème des Bulgares, très viril, qui cumule percussions énergiques et apport de voix saccadées.
La Bo nous livre « les formalités », qui font toutefois des efforts pour se révéler largement dignes d’intérêt et très sympathiques à l’écoute, tout comme dans le film : les deux valses (« Neville’s Waltz » et « Potter Waltz »), la chanson des sirènes (« Underwater Secrets » introduite par une amorce assez hispanisante à la Carmen) et la fanfare de Poudlard (« Hogwarts’ March »), assez intéressante puisqu’elle apparaît deux fois : avant et après la troisième tache dans les contextes les plus opposés. De bon ton pour l'un, indécent dans l’autre). Ah, et aussi les trois chansons du groupe Bizarr’ Sisters ... sympatoches elle-aussi, mais ce n'est pas vraiment sur elles que l’on comptait pour enrichir l’univers d’Harry Potter.
La place accordée à la musique est correcte, assurant bien évidemment le gros du travail dans les séquences d’action, mais se révèle être un soutien efficace dans toutes les scènes où l’histoire évolue (« Foreign Vistors Arrive », « Harry Sees Dragons », « Sirius Fire »). A noter un choix très intelligent de la part de Newell et Doyle pour ce qui est du début de la première tâche : en effet, dans le livre, il est cité qu’Harry a beaucoup plus enduré de l’attente que de l’épreuve elle-même, et cela se retranscrit parfaitement dans « Golden Egg ». En effet, le soutien musical est très soutenu dans la tente, mais beaucoup plus feutré dans l’arène, avant que l’Eclair de Feu ne se voit accompagné de trompettes festives alors qu'il vient à la rescousse de notre héros en perdition. D’ailleurs, l’escapade un peu WTF d’Harry et de son dragon de compagnie aura au moins permis la création d’un très joli morceau =)
En somme, une Bo nettement à la hauteur, qui livre largement la dose attendue en épique avec de véritables tueries comme «The Black Lake » qui donne de l’ampleur au Tournoi, et se révèle être le digne successeur d’HP 3 en matière d’assombrissement progressif, avec un usage plus insistant des cordes, notamment. Mais Doyle ne se limite pas à ses deux points puisqu’il ose l’originalité à bien des moments (en plus de l’épique, des morceaux ethniques, romantiques, tragiques, pompeux, on a de tout), donnant à cette Bo une richesse bienvenue, à défaut d’avoir des morceaux secondaires (non-épiques ici) vraiment transcendants seul à seul. Du bon Patrick Doyle !