He Named Me Malala est un documentaire qui conte l'histoire émouvante de Malala Yousafzai. Agée de seulement 18 ans, elle se bat pour que les droits des petites filles soient reconnus dans l'éducation de son pays le Pakistan où les talibans ont petit à petit interdit à toute fille d'aller à l'école. En 2012, elle a été victime d'une attaque par arme à feu dans son car scolaire, et a miraculeusement survécu. C'est cet acte terrible qui a attiré l'attention du Monde sur sa cause et qui a fait changer les lois du Pakistan. En 2014, elle a reçu le Prix Nobel de la Paix.
Le réalisateur Davis Guggenheim s'est tourné vers Thomas Newman pour la composition de la partition de son film. Il s'agit d'une première pour Newman qui jusqu'alors n'avait jamais composé pour un documentaire. La musique du compositeur américain est tout ce que l'on ait en droit d'attendre venant de lui; tour à tour classieuse, excentrique, pleine de couleur exotique et souvent d'une grande beauté. Pratiquement tout cela se retrouve dans le titre d'ouverture de l'album "A Pashtun Story". Une très jolie mélodie jouée simplement au piano annonce le thème central (on y retrouve un peu de Wall-E) qui se poursuit tout au long du titre, accompagnée différents autres instruments qui apportent de la couleur, et de percussions qui créent de l'énergie.
Comme dans la plupart des albums de Newman, nous sommes en présence d'un large nombre de morceaux relativement courts qui sont autant de petites illustrations musicales qui se suffisent à elles-mêmes. Assemblées ensemble, elle créent une musique d'une très grande fluidité qui ne parait jamais décousue. Un autre des temps fort de l'album, c'est "I Am Malala", titre dans lequel une subtile voix de femme est utilisé de très belle façon, les cordes apportant de la profondeur tandis qu'une harpe joue en solo le Main Theme de façon vraiment remarquable.
C'est un autre thème que l'on entend pour la première fois dans "July 12", un morceau typique de Newman. une musique délicate semblant flottée grace à l'accompagnement d'instruments (carillon, piano, voix, cordes) jouant les notes de la plus délicate façon qui soit. C'est prodigieux de finesse.
"Old Life New Life" possède une qualité innocente, une douce mélodie très gaie et réellement belle. les nappes de synthé éthérées et rêveuses contrastent avec les vocalises féminines dans "A Fiery Speaker", l'un de mes titres préférés. C'est hypnotique, captivant.
"Peace Prize" comme son nom l'indique est l'un des morceaux les plus gais, plein de joie et d'énergie. Mais le plus beau morceau de la partition est "Speak What Is In Your Soul". Reprenant le Main Theme au piano, il est empli de courage, et de détermination. Ce thème maintenant familier, allié aux vocaux exotique, aux cordes légères et aux instruments à vent qui prennent le pas sur la seconde moitié du titre est imparable.
Pour illustrer les moment les plus sombres du documentaire, Newman garde ses distance sans en faire trop. "Birmingham" contraste le Bien et le Mal, la Lumière et l'Obscurité, commençant le morceau dans une atmosphère de noirceur pour graduellement le transformer avec des notes d'espoir et d'Amour. Le titre qui suit, "Radio Mullah" se plonge dans l'obscurité avec des sonorités inquiétantes et sombres, tout comme "No More There", qui est un titre très triste et brut, interprété d'une très belle façon comme Newman sait si bien le faire: de légères percussions et touches sonores intervenant sur des nappes de cordes et de synthé.
Si l'on exclut les octogénaires et les compositeurs retraités, Thomas Newman est sans doute le plus grand compositeur à l'heure actuelle. Avec He Named Me Malala il est en terrain connu. Il est vrai qu'il n'y a rien ici que Newman n'ait pas déjà exploré par le passé. Mais l'écouter faire ce qu'il sait faire de mieux est toujours un réel bonheur, surtout que cet album est d'une très grande qualité. Il est bourré de textures et de profondeur qu'il est toujours agréable d'explorer. Souvent imité, mais jamais égalé, personne ne réussit à approcher son style si particulier dans lequel il excelle. Ses musiciens attitrés avec lesquels il travaille depuis de nombreuses années apportent de merveilleuses couleurs, la production de l'album réussissant à parfaitement leur rendre hommage. Voici un cru de Newman qui ne révolutionne pas vraiment sa musique, mais c'est pourtant à n'en pas douter l'une des meilleures partitions de l'année.