Après un Season's End déjà bien ampoulé, cet Holidays in Eden qui frôle la catastrophe a dû donner beaucoup de cheveux blancs aux fans de la première heure : le départ de Fish, chanteur très charismatique, au profit de Hogarth, au charme plus discret, semble en effet avoir paralysé le talent des musiciens, ici embourbés dans un prog cheap et dégoulinant. Il est amusant de constater que, quelques années plus tard, la même cause (le départ de Bruce Dickinson) a provoqué les mêmes effets chez Iron Maiden (la clique de Steve Harris, pourtant diablement talentueuse, fût incapable de sortir plus deux ou trois morceaux corrects avant le retour providentiel de leur leader).
Il est amusant de constater à quel point, dans une machine aussi bien huilée, un seul grain de sable peut tout bouleverser. C'est d'autant plus surprenant quand le grain de sable en question est le chanteur, dont on ne sait jamais la véritable influence dans la composition des chansons, que l'on croit instinctivement "réservée" aux musiciens qui tiennent l'instrument. En tout cas il ne reste, 30 ans après sa sortie, pas grand chose à sauver d'Holidays in Eden. On pourrait incriminer les sonorités de clavier très datées (sur lesquelles Kelly mettra une croix lors des albums suivants), mais la vérité, c'est que c'est surtout la médiocrité des compositions et leurs constructions qui est à mettre en cause. La preuve en est que c'est lorsqu'ils ont une approche beaucoup plus directe, avec les singles "No one can" et "Cover my eyes" (de (très) les meilleures chansons de l'album) que Marillion semble, paradoxalement, le plus à l'aise.
Jamais plus le groupe anglais ne reproduira un tel four, malgré quelques pas de côté (Happiness is the road, Sounds that can't be made, assez indigents). Et "l'esprit" Hogarth finira rapidement par imposer sa patte, entre sensualité et technique : la trilogie magique Brave, Afraid of Sunlight et This strange engine (trois albums sortis entre 1994 et 1997) en est sans doute la preuve la plus éclatante. Qui a dit que les chanteurs n'étaient que la vitrine des groupes ?