Homework
7.4
Homework

Album de Daft Punk (1997)

Milieu des 90's, l'écho de la techno résonne de plus en plus bruyamment dans les capitales européennes. La culture rave, qui vient de chez nos potes UK, se propage peu à peu pour atteindre le continent et notre capitale française va alors se transformer en super-héros de la scène house et techno. Des DJs comme Laurent Garnier, qui s'installe dans le REX Club, s’imposent comme les ambassadeurs de ce nouveau phénomène…
Bien que loin d’être compris et accepté par tous, le mouvement techno s’impose de plus en plus comme un vent de liberté chez la jeunesse française, et surtout parisienne... Au début.


Retour en arrière,
Thomas Bangalter, Guy-Manuel de Homem-Christo et Laurent Brancowitz se rencontrent à l'école en 1987 et découvrent qu'ils ont les mêmes goûts pour des groupes de rock tels que Rolling Stones, The Beach Boys ou The Stooges. Ils forment un groupe appelé "Darlin", qui est un hommage à une chanson des Beach Boys. Ils sortent leur premier EP sur le label Duophonic de Stereolab. Plus tard, un journaliste anglais, qui écoute le 2 titres, déclare que c'est "un groupe de punk idiot". Les jeunes artistes en herbe choisissent ce nom (Daft Punk) comme nom de leur nouveau groupe. Et très vite, ils découvrent la musique électronique, plongent dedans et s'inspirent de son son. Mais Branco n'aime pas trop ça et décide de quitter le groupe pour rejoindre le groupe de son frère (Christian Mazzalai) qui deviendra Phoenix, un autre groupe français faisant partie des groupes français les plus écoutés aux US.
C’est dans ce contexte, en 1993 exactement, que Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem Christo vont commencer à bidouiller leurs premiers morceaux, entassant tout leur matériel dans une chambre transformée en studio.


Avril 1994, Leur premier EP, intitulé "The New Wave" , sort sur le label écossais SOMA Records. Le titre "New Wave" est essentiellement une version démo de "Alive", mais elle fonctionne comme une piste à part entière. On est pas encore dans les influences Pop, ho non! C'est de la House bien dure. La face B "The Assault" est probablement encore meilleure, étant complètement unique à ce Ep. Un titre au nom approprié car c'est une attaque auditive totale. De la pure Acid-House 90's à retourner le cerveau. Le dernier morceau, "Alive" se retrouvera sur "Homework", une évidence tellement c'est un titre culte.
Mi 95 sort "Da Funk", après que Daft Punk ait passé des semaines à écouter de la G-funk Old School de la West Coast. "Nous voulions faire une sorte de gangsta-rap et avons essayé de brouiller nos sons autant que possible", a déclaré Bangalter à l'époque. "Personne n'est d'accord avec nous pour dire que cela ressemble à du hip-hop." En tout cas, le titre étonne, détonne et décontenance avec cette synthline filtrée du début puis ce beat suivi de cette basse lancinante et de cette grosse caisse qui claque. C'est peut-être l'un des titres électro les plus intenses de tous les temps pour un tempo si lent, 111 BPM!
"Da Funk" est sorti à l'origine comme un single sur Soma Quality Recordings, avec "Rollin '& Scratchin'" sur la face B, et ressortira en Maxi-Single en 96 accompagné d'un remix de 10 min de Armand Van Helden et du titre "Musique". Et n'oublions pas que le clip", intitulé "Big City Nights" fût réalisé par Spike Jonze, qui accouchera d'un des mes films préférés en 2013, le chef-d'œuvre "HER".
Après le succès du single, le duo a cherché un manager. Ils n'ont eu aucun mal à en trouver un et ont choisi, naturellement, Pedro Winter, qui les avait régulièrement promus ainsi que d'autres artistes dans des boîtes de nuit parisiennes.


Le succès naissant déclencha une guerre d'enchères entre les principaux labels pour signer Daft Punk. L'accord qu'ils ont finalement conclu avec Virgin à la fin 96, de manière inhabituelle, n'a donné au label que dix ans de droits - une idée révolutionnaire à l'apogée de l'ère du CD lorsque des contrats se signaient plutôt pour un nombre défini d'albums.


Homework est un album innovant mais accueillant.


DAFTENDIREKT, l'intro, est un enregistrement d'un live en 95 à Gand, en Belgique. La rythmique est la même que sur "Da Funk". "Da funk back to the punk, c'mon" répète une voix lourde et robotique. Une salve de breaks funky se rajoutent, le ton est donné.
WDPK 83,7 FM qui commence par un extrait de "Musique" et glisse sur une station de radio où l'on entend "The sound of tomorrow, The music of today, Brings you exclusively Daft Punk's Homework" pose un arc narratif.
Un arc confirmé par la 3ème piste, REVOLUTION 909. Le titre est un commentaire indirect sur la position du gouvernement français sur la musique rave, renforcé par le superbe clip de Roman Coppola . Les mots sévères "Stop the music and go home" et les cris de foule lors d'une fête clandestine qui annoncent le morceau disent tout. La basse est cool! La façon dont il est étouffé vous donne l'impression d'être à l'extérieur du club et quand il se lève, vous y êtes enfin entré. S'en suit une tranche de house simple mais terriblement dansante.
L'ambiance demeure urbaine avec ces bruits de rue et ces klaxons quand DA FUNK démarre. La suite, vous la connaissez maintenant.
Les percussions 909 frappent à nouveau sur PHOENIX et elles sont savoureuses. Magie de l'échantillonnage, des morceaux de "Don't Go Breaking My Heart" d'Elton John et Kiki Dee se mélangent au son Funky House, le bourdonnement de la basse sonne comme un chœur, accrocheur.
FRESH et le bruit des vagues en intro et une douce parenthèse hypnotique qui sonne presque comme du Vaporwave. Une touche mélancolique, propre au duo plus tard, due à ce drôle de riff de guitare électrique et de ce beat étouffé, fait de ce titre une bande son idéale d'After estival.
Vient ensuite l'une des chansons les plus emblématiques de l'histoire du duo : AROUND THE WORLD. Décrit dans leurs propres mots comme le résultat d'essayer de faire “a Chic record with a talk box”, c'est un boogie post-disco minimaliste, une réinvention des années 1970 pour les années 1990 qui, malgré sa simplicité absolue, sonne toujours remarquablement aujourd'hui. Tout est tellement accrocheur, tellement groovy que ça reste dans votre tête indéfiniment. La vidéo mémorable de Michel Gondry (Il a, entre autres, réalisé un autre de mes films préférés, Eternal Sunshine Of The Spotless Mind) mettant en scène des danses synchronisées de robots et de momies est régulièrement décrite comme l'une des meilleures de la décennie.
Puis les éléments acid / punk chers au son des tous débuts de Daft Punk sont mis au premier plan sur l'inspiration ROLLIN & SCRATCHIN, le bourdonnement étrange échantillonné à partir du son que vous obtenez lorsque vous branchez un câble live à un équipement électronique est dément. Le banger techno ultime, le synthé hurlant, le beat sans concession, tout est voué au lâcher prise. Vivre ce titre en 97 sous extasy en plein milieu de la nuit lors d'une Rave à Montpellier est un des mes meilleurs souvenirs festifs de ma jeunesse.
TEACHERS est un hommage instructif à leurs influences avec ces voix vocodées qui répertorient littéralement leurs artistes préférés. L'instrumental est une démonstration évidente de leurs influences Hip-Hop.
Contenant plusieurs micro-échantillons complexes "de Just the Way You Are" de Billy Joel, HIGH FIDELITY prouve leur génie de la découpe. Titre sous-estimé, il devient au fil des minutes, complètement hypnotique, 6 min de lévitation électro.
ROCK'N ROLL est la frangine de ROLLIN... 7:33 d'euphorie. Acide et râpeux, le Banger abrasif arrache tout sur son passage. Le son est d'une simplicité combinée à une extravagance crue. Tout tape fort, du beat aux hats en passant par les claps, un hymne acide incontournable.
La tension redescend un peu avec OH YEAH. Un Kick sale, influences Hip-Hop encore une fois, ça gratte, c'est râpeux, même les "Oh Yeah" font crades et on entend en fond "Everybody dance
Screaming on the dance". Beaucoup de déformations de sons mais ça reste conhérent. 2 min seulement.
BURNIN, le troisième single de l'album, a une structure similaire à ROLLIN... mais est combiné avec une boucle de basse plus fraîche, plus accessible. De la House Funky avec son grincement robotique unique. le clip est comme les autres, vraiment réussi.
INDO SILVER CLUB, le duo utilise un sample de "Hot Shot" de la star Disco Karen Young et le modernisent en un autre banger absolu. Entêtant.
ALIVE, déjà sorti donc en 94, est un véritable chef-d'œuvre mélangeant Techno européenne et House américaine. Plus de 5 min mystiquement profond. Lévitation. Les synthés se noient dans leurs échos, le rebond lourd et incessant se construit et se déconstruit, pour disparaître dans le crépuscule urbain.
Pour clôturer ce monument, les Daft reviennent à leur espièglerie sournoise avec FUNK AD. La piste n'est rien de plus qu'un extrait de moins d'une minute de DA FUNK inversé. Cela ne devrait pas fonctionner (le concept est si effronté), mais d'une manière ou d'une autre, c'est juste ... le cas. Les os de DA FUNK sont tellement solides qu'il peut résister à se faire pousser à travers un trou noir déformant le temps et à sortir par l'autre extrémité. Cela amène tout à un fondu doux, l'album s'effondrant sur son propre funk. Fou.


Homework représente la distillation minutieuse d'une connaissance encyclopédique de tout ce qui est électronique, un album incroyablement étoffé qui est allé au-delà d'être emblématique. De plus, Daft Punk a choisi d'enregistrer ce LP chez lui malgré les meilleurs dispositions que Virgin Records proposait.
C'est la raison pour laquelle Homework a pris ce nom particulier.
Rendez vous compte, Daft Punk a produit l'entièreté d'un album dans une chambre à coucher 15 ans avant que cela ne devienne une possibilité pour le reste du monde.
Une vision du futur réalisée avec une clarté stupéfiante, la durée de conservation continue de Homework se résume à sa prédiction des tendances électroniques modernes.


Des titres qui ont façonné l'avenir :
"Around the World" a clairement autant d'attrait auprès d'autres artistes qu'avec les millions de fans en adoration qui remplissent encore la piste de danse chaque fois qu'elle est jouée, même 24 ans après.
"Revolution 909", une référence claire à la boîte à rythmes de base, un tour de force implacable de jusqu'où la technologie peut être poussée.
"Rock'n Roll" est le festival de distorsion désordonné dont votre corps a besoin pendant un set acid de clôture de n'importe quel festival Techno.
"Rollin '& Scratchin" est l'électro butée, zélée et décimée pour laquelle Justice est devenue célèbre.
"Oh Yeah" se prêtant immédiatement à une production de rap potentiellement puissante.
Et enfin "Da Funk" qui est l'un de ces parfaits moments de confluence de la pop-culture. Ce n'est pas le premier morceau chargé d'acide avec un backbeat fanfaron, mais c'est peut-être le premier qui frappa les banlieues américaines de manière majeure. Cela a également aidé, à ce moment là, à prédire la convergence de la House et du hip-hop.
Ne soyez pas surpris si "Da Funk" est l'une des rares chansons dont on se souvienne de cette période dans quelques centaines ou milliers d'années. C'est l'un de ces airs qui semble être un vote au premier scrutin au Temple de la renommée (si un tel Hall de la musique électronique existait) et que vous n'oublierez jamais si vous ne l'avez entendu ne serait-ce qu'une seule fois.


"Homework", pour les plus vieux fans de Daft Punk comme moi, reste leur meilleure heure.
Le premier chapitre d'une épopée fantastique de 2 gamins qui se sont rencontrés au collège, à 12 ans et qui ont réussi une performance artistique longue de 28 années.
Essentiel.


10/10

BRKR-Sound
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Créée

le 27 févr. 2021

Critique lue 321 fois

BRKR Sound

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