Après ses deux premiers albums aux styles un peu zigzaguants, Debut et Post, Björk annonce définitivement la couleur, afin de créer un album bien plus ciblé, bien plus homogène. Ainsi est né Homogenic, un album où Björk incorpore beats électros aux sonorités froides et orchestrations aux arrangements cinématographiques ; en somme, l'aboutissement d'un art stupéfiant qui défie toute catégorisation, mais qui reste cohérent à lui-même. Chaque morceau de Homogenic fait part de la dérive de la technologie, de la rencontre de l'humain et de l'artificiel, et tous sont magistraux. Comme un hommage à son pays l'Islande, cet album émane une sorte de froideur tétanisante et surnaturelle. La voix puissante et envoutante de Björk marque d'un mysticisme cette musicalité transcendante. Homogenic n'a pas vieilli d'une seconde, tant ces sons électros sont aussi frais et imaginatifs maintenant, qu'il y a 20 ans. Il ne ressemble pas à un album de 1997, ni de 2017 d'ailleurs, il semble tellement extraterrestre qu'il aurait pu être façonné par une autre race, à n'importe quelle époque. Björk, sur la couverture, a l'air de venir d'un autre monde, assumant pleinement sa créativité.
Dans tout l'album, on retrouve la lutte entre la technologie et le vivant. Dans des morceaux comme Hunter ou Pluto, on entend la machine étouffer les sons de l'humain et de l'animal, l'inverse dans Joga, Unravel et All is full of love.
Cette œuvre s'ouvre sur Hunter, une musique dessinant un paysage synthétique et glacial, un tambour aux airs militaires donne le ton de cet album : l'humain, fragile, est perdu comme un alien dans cet univers hostile.
Second morceau, Joga fait surgir, au contraire, des orchestrations de cordes et une voix expressive, évoquant une nostalgie arrosé d'un volcanisme d'émotions : la réponse affective du vivant.
Mention spéciale pour Bachelorette, ce fameux thème de James Bond qui n'en est pas un, avec des cordes sinistres et pesantes. Des paroles poétiques et lyriques décrivent l'amour comme un mécanisme dans lequel les êtres s'embourbent, se perdent et deviennent des objets.
Je ne m’attarderais pas plus sur la simplicité de Alarm Call, sur la puissance cathartique de Pluto ou sur la douceur de All is full of Love en clôture de cet album.
Björk nous fait distinguer toutes les couleurs et nuances de cette palette monochrome. On voit dans Homogenic le bourgeonnement de cette artiste qui s'affirme, qui fait preuve d'audace et qui depuis, s'est sans cesse réinventé. Ceci est un album réellement unique.