L'été dernier j'ai découvert la musique soul, et avec un peu de recul je pense que c'est la découverte artistique la plus forte que j'aie faite depuis ma plongée dans le cinéma et ses chefs-d'oeuvre, il y a pas mal de temps déjà. Car depuis que j'ai découvert la soul, j'ai réévalué toute la musique que je connaissais auparavant. Non pas que je n’aime plus rien d’autre, mais disons que ça m'a fait changer de regard sur les autres genres, et notamment ceux qui découlent de la soul comme le hip-hop ou le trip hop. Evidemment, il y a tous ces samples dont j'ai découvert la provenance, en même temps que j'ai pu mesurer la richesse d’œuvres qui ont plus tard été réduites à des segments de quelques secondes. Et puis j'ai découvert des instruments au-delà du triptyque guitare-basse-batterie : tous ces cuivres et ces cordes dont le rock - le genre d'origine de ma culture musicale - se prive honteusement.
Dans ma découverte de la soul, il y eut deux œuvres charnières : d'abord Super Fly de Curtis Mayfield, l'album qui m'a fait aimer le genre, et puis Hot Buttered Soul, le chef-d'oeuvre ultime. Pourtant, à la différence de Super Fly, je n'ai pas tout de suite apprécié ce disque, en tout cas pas tout ce disque. Au départ j'aimais "One Woman" et la première moitié de "Walk On By", les deux autres me semblaient trop longues. Et puis je me suis mis à écouter "Walk On By" un nombre incalculable de fois, sans toutefois réellement apprécier sa seconde moitié, toujours trop foutraque à mes oreilles. Mais j'y revenais sans cesse. Ensuite je suis passé à "By the Time I Get Phoenix" - interminable et bouleversant récit de rupture - et je l'ai aimé de bout en bout de ses majestueuses 18 minutes et quelques (dont 8 minutes parlées). Enfin ç'a été tout l'album que j'ai écouté, plusieurs fois, et que j'ai aimé de plus en plus. Car le morceau dont je n'ai pas encore parlé - le fameux "Hyperbolicsyllabicsesquedalymistic" - est également une merveille, mais d'une manière tout autre que les trois autres (il faut dire que c'est le seul morceau "original" de l'album) avec son groove endiablé qui ne faiblit pas durant les presque dix minutes que dure le morceau.
Hot Buttered Soul est un album à part, y compris dans l'oeuvre d'Isaac Hayes qui a pourtant voulu reprendre la même recette (aligner des reprises de standards étirées au maximum) plusieurs fois par la suite - il aura fait d'autres merveilles attention, et il m'en reste encore à découvrir, mais aucune du niveau de cet album-là. Car ici "Ike" atteint un niveau d'inventivité absolument sans égal, en signant trois reprises phénoménales et tellement, tellement différentes des originales, accompagnées de l'incroyable deuxième piste dont j'ai déjà parlé... Je ne vais pas m'épancher en superlatifs au sujet de cet album qui les mérite tous. Je veux simplement dire à tous ceux qui me liront de l'écouter, car vous n'avez jamais rien entendu de tel.
Et pourtant je n'ai toujours pas vraiment appréhendé la seconde partie de "Walk On By", preuve que je n'ai pas encore épuisé ce chef-d'oeuvre.

Neumeister
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le 6 avr. 2020

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